ForumLa suffisance de Macron face à l’insufficance de Le Pen

Forum / La suffisance de Macron face à l’insufficance de Le Pen
 Photo: AFP/Loïc Venance

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Il est étrange de voir comment la démocratie française, issue de l’illustre „Siècle des Lumières“, de Voltaire et son admirable „Traité sur la Tolérance“ à Montesquieu et son fondamental „Esprit des Lois“, perçoit aujourd’hui le débat opposant traditionnellement, depuis cinquante ans, les deux finalistes de l’entre-deux-tours au sein de l’élection présidentielle: un match de „petites phrases“ qui, paraît-il pour les amateurs de séduisantes joutes verbales, font néanmoins mouche – du style „vous n’avez pas le monopole du cœur“ ou „l’homme du passé devenu l’homme du passif“ – plutôt qu’un vrai débat d’idées, doté, comme devrait théoriquement l’être toute authentique pensée politique, d’une réelle vision, à long terme, du monde, de l’homme et de la société.

Ainsi donc, pas plus tard que ce mercredi 20 avril 2022, le débat ayant opposé, sur nos écrans de télévision, Emmanuel Macron, président sortant, à Marine Le Pen, candidate entrante.

Le manque de crédibilité de Marine Le Pen

Je préférerai toutefois laisser choir ici un voile charitable sur cette toute récente prestation de Marine Le Pen, dont la manifeste incompétence, tant en matière d’économie (pourtant essentielle au regard du tant brandi „pouvoir d’achat“) que de politique (internationale, surtout), faisait, en cette triste circonstance, pitié, à voir: à peine mieux, certes l’agressivité en moins, que sa funeste performance, il y a cinq ans presque jour pour jour, de son précédent débat présidentiel avec, tel un mauvais remake, le même Emmanuel Macron. Pis: elle n’y fut même pas en mesure, la pauvre, de plaider sa propre cause, elle dont la première profession est pourtant celle d’avocate, lorsqu’elle dut se défendre d’avoir contracté, il n’y a guère si longtemps, un litigieux prêt financier auprès d’une grande banque russe, proche du pouvoir du très dictatorial Poutine, celui-là même qui met aujourd’hui à feu et à sang, embourbé dans les sinistres sillons d’une guerre scandée par de très condamnables „crimes contre l’humanité“, la douloureuse mais vaillante Ukraine. Rideau, donc, n’en déplaise à Marine Le Pen, sur cet encombrant mais surtout honteux épisode de sa carrière internationale!

Qu’à cela ne tienne: Emmanuel Macron, bien qu’ayant fait incontestablement preuve là, en ce même débat présidentiel, d’une bien meilleure maîtrise de ses dossiers, ne fut guère beaucoup plus brillant, sinon, quoique certes plus à l’aise dans ses calculs financiers comme dans sa rhétorique langagière, en apparence!

L’indigne outrecuidance d’Emmanuel Macron

Ainsi, nonchalamment affalé sur son siège, interrompant sans cesse son interlocutrice tout en la pointant à de nombreuses reprises d’un inélégant index accusateur, et s’adressant même plus souvent là aux deux modérateurs de ce débat plutôt que, face à la caméra, aux électeurs eux-mêmes, il n’aura finalement montré là, pour la énième fois, que son vrai visage: celui, indigne, du mépris, d’une insupportable arrogance teintée d’une encore plus médiocre fatuité! Pis: cette condescendance qu’il aura ainsi ostensiblement affichée là à l’égard de Marine Le Pen, décontenancée, comme démunie et à court d’arguments, dès le départ, est conforme à celui qu’il n’aura cessé de montrer, tout au long de son conflictuel mandat présidentiel, à l’égard des Français eux-mêmes!

Non: Il n’y a là aucune noblesse d’âme! Aucune grandeur à rabaisser ainsi publiquement, du haut d’on ne sait quel démagogique pupitre, la personne avec laquelle on prétend échanger humblement mais lucidement, de manière honnête et courtoise, un certain nombre d’idées!

C’est dire là si la suffisance de Macron n’est jamais que le double inversé de l’insuffisance de Le Pen!

Technocrate sans l’envergure d’un homme d’Etat

Quant à ces dossiers que Macron maîtrise de façon aussi doctorale, comme je viens de moi-même le reconnaître, ce ne sont jamais, en définitive, que des dossiers de technocrate, de gestionnaire et de comptable, faits de seuls, certes efficaces mais néanmoins indigents, sinon indigestes, chiffres et pourcentages, statistiques et probabilités, et non, certes, ceux d’un homme d’Etat digne de ce nom. En ce sens, Macron, loin d’avoir l’envergure d’un De Gaulle, la clairvoyance d’un Giscard d’Estaing, la culture d’un Mitterrand ou la prestance d’un Chirac, n’est jamais qu’un Berlusconi ou un Trump à la française, au langage certes plus châtié comme à comportement certes plus policé, mais non moins, pour autant, cynique et superficiel, voire, parfois, vulgaire!

Quant à ceux, intellectuels ou artistes, qui, soucieux de faire légitimement barrage à l’extrême-droite en la personne de Marine Le Pen, enjoignent donc leurs partisans, y compris ceux de gauche, à voter, au prix parfois de la trahison de leurs propres idéaux et fût-ce donc en désespoir de cause, pour Emmanuel Macron, je leur répondrai, pour ma modeste part, que cette „éthique de responsabilité“ qu’ils revendiquent ainsi à juste titre et que prône non moins adéquatement le grand sociologue allemand Max Weber dans un livre tel que „Le Savant et le Politique“ („Politik als Beruf“ en est le titre original), elle ne peut jamais se départir pour autant, si elle veut être correctement entendue ou interprétée, de son inséparable, indéfectible, complémentarité, tel un absolu et insécable binôme conceptuel, qu’est celle de l’„éthique de conviction“.

La France mérite mieux!

Oui, l’éthique de responsabilité indissolublement unie à l’éthique de conviction, sans que jamais l’une ne soit privilégiée au détriment de l’autre: c’est ainsi qu’il faut comprendre, en profondeur, cette célèbre et juste théorie de Max Weber.

A bon entendeur: la grande et belle France mérite à l’évidence mieux, sans que, face à un tel gâchis sociopolitique, je renvoie pour autant dos à dos ces deux prétendants, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, à la tête de la République!

* L’auteur est philosophe et écrivain.