ForumInauguratioun vun Esch2022 – dat ass eng Frechheet!

Forum / Inauguratioun vun Esch2022 – dat ass eng Frechheet!
 Photo: Editpress/Fabrizio Pizzolante

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

La méfiance envers le succès promis de l’inauguration de l’année culturelle européenne à Esch se ressentait dans l’ambiance générale. Les semaines précédant les festivités du 26 février ont donné lieu à des prises de parole critiques dans les médias, les réseaux sociaux. Si on a l’habitude de côtoyer les commerçant-e-s d’Esch-sur-Alzette, on se rendait compte que nombreuses sont les personnes qui ne croient plus aux retombées miraculeuses de la Capitale européenne de la culture. Au pire, tout le monde s’en fout, ou presque …

Cependant, le samedi 26 février, sous le soleil hivernal de l’après-midi, la rue de l’Alzette grouillait de monde, les terrasses de café étaient bondées et, parmi la foule, quelques touristes sortaient du lot des habitués qu’on a l’habitude de croiser dans le centre-ville et attendaient l’ouverture officielle sur la place de l’Hôtel de Ville. Il fallait croire qu’une certaine curiosité, mêlée à de la bonne volonté culturelle, animait les Eschois-e-s et ceux venus d’ailleurs pour qu’ils se donnent la peine d’assister à ces festivités pourtant si difficiles d’accès.

Pour avoir suivi avec tant d’autres personnes – 15.000 si on croit les organisateurs – le parcours du combattant pour participer à l’inauguration d’Esch2022, je peux dire que cette expérience me donne le sentiment qu’on se fout de notre gueule. La jeunesse a eu une longueur d’avance sur les plus anciens qui avaient tendance à confondre leur billet doré reçu dans leur boîte aux lettres avec un billet de fait. Le code QR y figurant ne leur parlait pas. Jusqu’ici on laisse passer, car l’envoi à tous les ménages de ce laissez-passer, gratuit en plus, ainsi que les campagnes d’affichages invitant les passant-e-s de scanner le code pour télécharger ses billets et faire partie de la fête témoignent néanmoins d’un certain effort de communication et d’inclusion. Pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore compris, la digitalisation, c’est l’avenir et il faut bien avancer avec son temps ou à défaut, demander à ses enfants ou petits-enfants pour avoir accès à ces sacrés billets.

Du complexe à l’absurde

Encore fallait-il que le code QR donne directement accès à un billet sans passer par un test de personnalité sur un site internet qui ne dit mot sur les informations pratiques. C’était censé être drôle et participatif, d’accord, mais il se trouve qu’une fois répondu au test on s’est vu confiné à un espace de festivités spécifique, sans pouvoir automatiquement accéder aux autres. Il fallait prendre quatre billets pour pouvoir passer partout. Si on n’a pas bien cherché cette information sur le site, on l’aura découvert au plus tard quand on se sera fait recaler sur place.

D’ailleurs comment arrive-t-on sur place? Ici commence l’aventure. Si le ou la lecteur ou lectrice de ce texte ne s’est pas encore perdu-e dans la complexité des choses évoquées, il/elle en aura encore pour sa faim. Passons du complexe à l’absurde.

En tant que conseillers communaux, Laurent Biltgen et moi-même auraient pu avoir l’honneur d’assister à l’inauguration, entourés de tout le gratin politique et royal, bien installés sur une tribune de gradins, couverture sur les genoux et transportés de site en site par une navette, puis bien sûr nourris et abreuvés aux frais de la princesse dans l’un des bars et restaurants à Belval, exclusivement réservés pour l’occasion: Remix Cocktail, quoi. Sauf que Laurent et moi n’avons pas seulement refusé d’y assister par principe, mais aussi parce qu’on nous aurait fait faire des choses ridicules pour accéder à la tribune. J’habite rue Dicks, à dix minutes à pied de la place de l’Hôtel de Ville. On me demande de me déplacer (en voiture de préférence) au parking Aloyse Meyer, à Lallange, soit 30 minutes à pied depuis mon adresse, pour y procéder au Covid-check et ensuite monter dans une navette VIP direction hôtel de vlle.

Débits de boissons limités

L’absurdité frappait de la même manière les personnes non-VIP se déplaçant en train ou bus depuis le centre-ville vers Belval: pas d’accès aux festivités à pied. Obligation de passer par le Covid-check sur le parking du centre de vaccination, puis transport en navette pour quelques mètres. Il faut croire qu’au sein de l’équipe d’Esch2022 on adore passer du temps en voiture, si bien qu’on y aime les sponsors comme BMW et faire rêver les enfants de l’école du Brill en leur foutant un modèle d’exposition de la gamme SUV devant l’entrée de l’école.

Esch-sur-Alzette, capitale européenne éco-responsable, c’est parti! Avec le géant de l’acier ArcelorMittal, le fabricant de voitures trop rapides, trop énormes, trop chères et trop polluantes BMW, le lancement de fusées symboliques dans l’espace nous indiquant en passant que l’avenir, c’est l’industrie spatiale, le space mining en sus, nous sommes prêts à affronter la crise climatique. En plus, les gobelets et les barquettes de frites en plastique n’auront pas trop pollué les rues de la Capitale européenne de la culture ce samedi 26 février, puisque les organisateurs avaient pris soin de limiter au minimum les débits de boissons et stands de bouffe. Tant pis pour celles et ceux qui avaient soif ou faim. Il fallait se renseigner avant de venir à la fête sur les restaurants et bars ouverts aux alentours. Les restaurateurs et cafetiers d’Esch n’auraient pas refusé qu’on leur fasse un peu de pub. Il fallait aussi penser à se procurer son bracelet digital pour payer sa bière aux rares stands prévus à cet effet.

L’innovation fintech est en marche: des bracelets digitaux pour ceux qui veulent consommer. Beaucoup de ces bracelets auront fini leur courte durée de vie au fond d’une poubelle (au mieux). Sont-ils recyclables? Sans doute pas. Peut-être qu’on s’en fout. Et s’il restait des sous sur le compte digital autour du poignet?

L’inauguration d’Esch2022 s’est donc voulue immatérielle. Qu’on se nourrisse de grands shows laser, de quelques concerts et d’inculture en général. Pas très convivial tout ça.

Une bonne business opportunity

Oui, la logistique était une catastrophe, mais la programmation témoignait d’un véritable mépris culturel. Le délire des fusées et autres histoires de l’espace constituent une déformation historique qui a laissé incrédules celles et ceux cherchant de faire l’expérience de l’identité et de l’histoire industrielle d’une ville ouvrière et de sa région.

L’événement, en somme, a été une bonne business opportunity et le concept de la Capitale européenne de la culture forgé par les boîtes de consulting, de communication et de marketing auxquelles Madame Braun et consorts ont fait appel, a bien été programmé pour l’être. Une belle fête néolibérale! Pour le gratin réuni sur la tribune c’était bien chouette.

Pour finir sur une image plus joyeuse: ce soir-là à Esch, quelques rescapé-e-s se sont retrouvé-e-s dans des bars et restaurants du centre-ville et de Belval, pour au moins faire la fête comme ils/elles l’entendent. Quand on vit à Esch c’est aussi une façon de dire: ne nous divertissez pas! On s’en occupe!

Merle
4. März 2022 - 11.47

Rupp'Esch22 ass en Zoumuddung.

DanV
2. März 2022 - 13.17

C'était déjà plutôt étrange qu'on devenait "éligible" d'un endroit spécifique par le choix de critères émotionnels. J'ai dès lors décidé d'y aller sans choisir d'avance de quoi j'aurai envie ce jour-là. Et finalement je n'étais pas à Esch, mais devant ma télé, comme des millions d'autres personnes dans le monde.