Lëtzebuerger FilmpräisLa soirée a été annulée. Bonne soirée: Le neuvième Lëtzebuerger Filmpräis

Lëtzebuerger Filmpräis / La soirée a été annulée. Bonne soirée: Le neuvième Lëtzebuerger Filmpräis
Le grand gagnant de la soirée fut „Capitani“, représenté ici par Luc Schiltz et Christophe Wagner Photo: Editpress/Alain Rischard

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Pour cette neuvième mouture des Oscars luxembourgeois, au-delà du fait, auquel on pouvait s’attendre, que „Capitani“ rafla tout, l’on voyait surtout des œuvres médiocres, voire politiquement limites récompensées, donnant une image peu convaincante, convenue et mainstream du cinéma luxembourgeois. D’où aussi qu’on discutait nettement plus sur le bienfondé de l’annulation de la légendaire réception que de la qualité des œuvres couronnées.

„La soirée a été annulée. Bonne soirée.“ C’est par ces termes un peu énigmatiques qu’une dame à l’accueil a laissé entendre que de fête, il n’y aura point, ce que d’aucuns réceptionnèrent avec panique, fonçant alors à la brasserie Schumann pour se procurer un gobelet de bière là où d’autres saluèrent la décision, sage, de la Filmakadémie et du Film Fund, prise à la dernière minute, alors que tout se déroulait comme sur des roulettes et que canapés et fûts de bière étaient en train d’être acheminés vers le Limpertsberg, d’annuler la réception qui traditionnellement suit la cérémonie – et de faire livrer le catering probablement hors de prix à la „Stëmm vun der Strooss“, une initiative par ailleurs fort louable.

Des rumeurs circulaient même, parmi les acteurs, que le ministre des Médias, Monsieur Xavier Bettel (DP), aurait prié les organisateurs de raccourcir la cérémonie, d’élaguer – peut-être parce que Bettel préfère faire court, surtout quand il s’agit de recherches académiques. Ces rumeurs s’avéreraient pourtant n’avoir été que cela, des rumeurs, puisque la cérémonie allait même dépasser les deux heures programmées.

Pour certains, qui pensaient que ça allait être „la dernière grosse teuf avant le re-reconfinement“, l’annulation a été d’autant plus dure qu’on se rendait compte, vendredi soir, que si on avait toléré, lors des années précédentes, l’étirement inutile des discours, le piétinement, l’animation un peu limite, les discours de remerciement redondants, c’était qu’il y avait une lumière au bout du tunnel: la réception qui s’ensuivait.

On comprend toutefois que l’industrie cinématographique soit sur ses gardes. Quand la pandémie débarqua au Luxembourg en mars 2020, on était en plein LuxFilmFest et une fête organisée dans le cadre du festival avait été au centre d’un premier cluster où bon nombre de personnes du milieu avaient été contaminées. D’où la volonté de rester prudents.

Des lauréats souvent décevants

En fin de compte, l’on peut presque s’estimer heureux qu’il y avait eu annulation, car si le palmarès de ce neuvième „Filmpräis“ était un tantinet représentatif du niveau du cinéma luxembourgeois, on aurait plutôt envie de pleurer que de fêter tant on avait l’impression que dans mainte catégorie, ce furent les pires films à être primés, ceux dont on se fâchait déjà de les voir apparaître en cette deuxième sélection.

Et il est vrai qu’avant, après et pendant la cérémonie, on entendait discuter bien plus sur le bienfondé de l’annulation de la réception (là où Luc Schiltz encourageait, lors de son discours de remerciement, tout le monde à venir festoyer au „Gudde Wëllen“, d’autres saluèrent la retenue des organisateurs) que de la qualité des films couronnés, comme si on savait qu’en fin de compte, il n’y avait pas grand-chose à dire là-dessus.

Ainsi, à peine la ministre de la Culture Sam Tanson („déi gréng“) eut-elle souligné l’importance d’un cinéma politiquement engagé et esthétiquement raffiné qu’on annonçait que „Superjhemp Retörns“ était couronné meilleur long métrage luxembourgeois – un film qui colporte maints clichés xénophobes, nationalistes et misogynes et qui cherche à évoquer une époque révolue sans réaliser qu’il était devenu (heureusement) mal placé de célébrer certaines valeurs de l’époque comme l’esprit de virilité et le machisme.

Pareil pour le meilleur documentaire, catégorie dans laquelle „An zéro“ remporta la manche – un film moitié documentaire moitié fiction qui s’imaginait ce qui se passerait en cas d’un incident nucléaire à Cattenom, qui peinait à convaincre à la fois au niveau fictionnel et documentaire et dont les réalisateurs s’étaient distanciés pour une histoire de querelle avec les producteurs, auxquels on reprochait un dernier „cut“ tendancieux, peu flatteur pour le Luxembourg.

Par ailleurs, le grand gagnant de la soirée fut, on s’y attendait, „Capitani“, nominé dans quatre catégories et qui rafla tous les prix (meilleur scénario, meilleure interprétation masculine pour Luc Schiltz, meilleure interprétation féminine pour Sophie Mousel, meilleure production TV et nouveaux médias), donnant l’impression qu’on aurait mieux fait de l’appeler premier „Lëtzebuerger Seriepräis“, cette neuvième mouture du „Filmpräis“.

Une cérémonie souvent bâclée

Côté cérémonie, elle fut animée, après l’édition de 2018 orchestrée par Guy Helminger, Isaac Bush et Elisabet Johannesdottir et au cours de laquelle un discours de l’actrice Vicky Krieps avait créé des remous, par Fred Neuen et Clara Hertz et musicalement accompagnée par Mambo Schinki, dont les loufoqueries orgue-iastiques contrastaient parfois de façon désagréable avec les discours des lauréats: après que le réalisateur iranien Cyrus Neshvad eut remercié le grand-duché de l’avoir accueilli, lui et sa famille, précisant que sans cet accueil, ils ne seraient peut-être pas en vie, le musicien enchaînait avec une reprise ironique de „You’re My Heart, You’re My Soul“ de Modern Talking.

Pareil pour la dramaturgie de l’animation, qui se focalisait sur le thème du „on n’est pas prêts pour la cérémonie“ assez bancal, avec un running gag concernant le costume de Fred Neuen tellement prévisible que ça en devenait pénible et, surtout, avec des dialogues qui sonnaient faux, qui parfois voulaient faire débat sans y réussir tant ces textes étaient mal écrits et, aussi, souvent mal interprétés (la faute incombe moins aux présentateurs qu’au manque résolu d’idées et de cohérence): interrompant un Neuen en train de se moquer du cinéma luxembourgeois, Hertz arguait que le cinéma du terroir n’en était encore qu’à ses débuts et qu’on ne disposait pas du même budget que d’autres pays, affirmant donc, au cœur de cette tentative de défense même du cinéma local, qu’on avait raison de dire qu’ils étaient nuls, nos films, mais qu’il y avait une bonne raison à leur nullité. Ailleurs, une discussion sur la distribution, inédite, du prix de l’interprétation sur un meilleur acteur et une meilleure actrice tournait court elle aussi.

Certes, il y a eu quelques blagues qui visaient juste, surtout celle où Neuen disait à sa co-animatrice qu’elle pouvait très bien lire son texte sur les petits cartons qu’elle tenait en main, précisant que „ofliesen“ n’est pas la même chose que „ofschreiwen“, différence qu’apparemment le premier ministre, présent dans la salle au moment de la vanne, avait eu du mal à saisir dans le passé.

Quand on ne persiflait pas le plagiat de Bettel, on se moquait gentiment, parfois méchamment du milieu cinématographique, et cela jusqu’à l’usure (non, le comique de répétition, ça n’est pas simplement répéter les mêmes vannes à bout de champ), raillant ici le peu de spectateurs qu’attireraient les films de Max Jacoby, là la qualité médiocre des films d’Andy Bausch, comme pour escamoter le fait qu’il s’agissait là encore d’une de ces cérémonies où un milieu s’autofélicite – et qui célébrait surtout la victoire de la médiocrité. En cela, la qualité de la soirée reflétait parfaitement le choix des lauréats.

Fred Neuen, Clara Hertz et Mambo Schinki animaient la soirée
Fred Neuen, Clara Hertz et Mambo Schinki animaient la soirée Photo: Editpress/Alain Rischard
Le président de la Filmakademie Yann Tonnar et la danseuse et chorégraphe Sylvia Camarda
Le président de la Filmakademie Yann Tonnar et la danseuse et chorégraphe Sylvia Camarda Photo: Editpress/Alain Rischard

Le palmarès complet

Le Prix de la critique luxembourgeoise, décerné par l’Association luxembourgeoise de la presse cinématographique (ALPC): „Wolfwalkers“ de Tomm Moore et Ross Stewart
Prix de la meilleure musique: André Dziezuk pour la composition de la bande originale de „Tel Aviv on Fire“
Prix de la meilleure contribution créative dans une œuvre d’animation: Nicolas Debray, Gilles Rudziak et leur équipe pour l’animation de „Wolfwalkers“
Prix de la meilleure contribution créative dans une œuvre de fiction ou documentaire: Thierry Faber, Eric Lamhène, Christophe Wagner pour le scénario de „Capitani“
Prix de la meilleure interprétation féminine: Sophie Mousel dans le rôle d’Elsa Ley („Capitani“)
Prix de la meilleure interprétation masculine: Luc Schiltz dans le rôle de Luc Capitani („Capitani“)
Prix de la meilleure production TV et nouveaux médias d’animation: „Fox and Hare“ de Mascha Halberstad et Tom van Gestel
Prix de la meilleure production TV et nouveaux médias de fiction ou documentaire: „Capitani“ de Christophe Wagner (réalisateur) et Thierry Faber (concepteur)
Prix de la meilleure œuvre XR: „Ayahuasca“ de Jan Kounen
Prix du meilleur court-métrage d’animation: „Seed of Hope“ de Claude Kongs
Prix du meilleur court-métrage de fiction ou documentaire: „Portraitiste“ de Cyrus Neshvad
Prix du meilleur long-métrage d’animation en coproduction: „Les hirondelles de Kaboul“ de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec
Prix du meilleur long-métrage de fiction ou documentaire en coproduction: „Collective“ d’Alexander Nanau
Prix du meilleur long-métrage documentaire:  „An Zero – Comment le Luxembourg a disparu“ de Myriam T. et Julien Becker
Prix du meilleur long-métrage luxembourgeois de fiction ou d’animation: „Superjhemp retörns“ de Félix Koch