L’histoire du temps présentLe Luxembourg, une nation vivante qui change

L’histoire du temps présent / Le Luxembourg, une nation vivante qui change
Le 30 mai 2016, le ministre de la Justice Félix Braz (ici aux côtés de Dan Codello) présente le projet de loi sur la nationalité luxembourgeoise à l’hôtel de ville d’Esch lors d’une soirée d’information Photo: Editpress/Alain Rischard

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„A quoi sert l’histoire?“ Voilà une question centrale que ces chroniques s’efforcent depuis des années d’explorer.

Historiens et historiennes de l’Université du Luxembourg, nous avons récemment rappelé que l’histoire sur et au Luxembourg ne doit pas servir à construire une identité nationale mais que nous la comprenons comme une réflexion qui interroge les multiples généalogies, les nombreuses influences, les complexes héritages dont se nourrit le Luxembourg d’aujourd’hui.

Dans ma thèse sur l’histoire de la nationalité luxembourgeoise, j’ai voulu montrer ces multiples généalogies à l’œuvre et en même temps prendre mes distances à l’égard de récits nationalistes, unitaires, télélologiques, forçant les continuités et présentant en fin de compte les nations comme des entités immuables. L’histoire de la nationalité montre au contraire une construction certes luxembourgeoise mais à partir d’inspirations multiples, française, belge, allemande, etc. Il s’agit d’une histoire non de continuités mais de ruptures avec des phases de fermeture et d’exclusion qui se succèdent avec des phases d’ouverture et d’inclusion.

Depuis 2008 nous sommes, après un siècle de fermeture, dans une phase d’ouverture. Permettez-moi d’en décrire quelques aspects en rappelant au passage le rôle clé joué par une personnalité politique que d’aucuns ont poussé trop vite vers la porte de sortie: Félix Braz. Après la loi sur la nationalité luxembourgeoise du 23 octobre 2008, qui a introduit le double droit du sol – en fait réintroduit puisque ce principe, appliqué au Luxembourg depuis 1878 à côté du droit du sang, avait été aboli en mars 1940 – et la tolérance de la double ou multiple nationalité, le vote du projet de loi sur la nationalité du ministre de la Justice Félix Braz par le parlement le 9 février 2017 a représenté un nouveau jalon décisif dans l’histoire de la nationalité luxembourgeoise.

Le rôle clé de Félix Braz

Elle a été votée à la fin d’un processus de réforme de la loi de 2008 qui a commencé en 2012 sous le gouvernement de coalition CSV/LSAP et du ministre de la Justice François Biltgen (CSV) et qui a été poursuivi et achevé par le gouvernement de coalition DP/LSAP/„déi gréng“ et du ministre de la Justice Félix Braz („déi gréng“). Le programme de coalition de décembre 2013 promettait une facilitation des moyens d’acquérir la nationalité luxembourgeoise.

Né au Luxembourg de parents portugais qui ont immigré au Luxembourg dans les années 1960, Félix Braz a joué un rôle très actif et fondamental notamment dans le domaine de la politique de la législation sur la nationalité depuis son élection en tant que député en 2004. Lors du débat final sur loi de 2008 à la Chambre des députés, Félix Braz avait déclaré le 15 octobre 2008: „Dëst Gesetz, Här Präsident, mécht wuel eng Partie Dieren op, mä dëst Gesetz mécht d’Äerm net op, fir d’Leit opzehuelen. Wéini maache mer dat?“ („Cette loi, Monsieur le Président, ouvre sans doute quelques portes, mais cette loi n’ouvre pas les bras pour accueillir les gens. Quand le ferons-nous?“)

Félix Braz est un homme de parole et de principes. En tant que ministre, il s’est tenu à son engagement d’ouverture et a réussi à convaincre même les partis d’opposition comme le CSV et „déi Lénk“ (La Gauche) de libéraliser davantage la loi sur la nationalité luxembourgeoise. Seul le parti populiste de droite ADR n’a pas rejoint cette coalition. Leurs trois députés ont voté contre la loi en février 2017, alors que les 57 autres députés ont voté pour.

Quels en sont les principaux changements? D’abord, la loi du 8 mars 2017 introduit le droit du sol pas seulement double, mais simple et conditionnel à l’âge de la majorité. Les personnes nées au Luxembourg de parents étrangers obtiennent la nationalité luxembourgeoise à l’âge de 18 ans à condition qu’elles résident au Luxembourg depuis au moins cinq années consécutives avant leur dix-huitième anniversaire et qu’un de leurs parents non-luxembourgeois ait résidé au Luxembourg pendant au moins douze mois consécutifs avant la naissance de l’enfant. La loi du 23 octobre 2008 avait introduit le double droit du sol: les enfants nés de parents étrangers reçoivent automatiquement la nationalité luxembourgeoise à la naissance si l’un des parents est également déjà né au Luxembourg.

Ensuite, la période de résidence obligatoire avant la naturalisation a été abaissée de sept à cinq ans. Une nouvelle flexibilité a été introduite puisque seule la dernière année de résidence avant la demande doit être ininterrompue. Les droits d’option, abolis par la loi de 2008, ont également été réintroduits et étendus.

Une autre question importante abordée par la loi de 2017 fut celle de l’épreuve d’évaluation orale en langue luxembourgeoise. Les propositions faites par les ONG, les syndicats et les acteurs économiques, visant à remplacer le test de langue par un certificat confirmant la participation à des cours de langue luxembourgeoise ou à abaisser les niveaux de compétence requis dans le test d’évaluation de la langue luxembourgeoise, n’ont pas été intégrées dans la loi. Les candidats doivent toujours passer un test linguistique de niveau A2 en expression orale et B1 en compréhension. Cependant, un score insuffisant en expression orale (A2) peut être compensé par un score plus élevé en compréhension (B1). Bien qu’aucune clause de dispense n’ait été introduite pour les demandeurs âgés de plus de 60 ans, une période de résidence de 20 ans leur donne la possibilité d’opter pour la nationalité sans passer d’examen de langue, après avoir simplement suivi un cours de 24 heures.

Une autre modification mérite d’être soulignée, même si elle est plus symbolique. Le loi Braz a supprimé la notion de „Luxembourgeois d’origine“ qui donnait l’impression qu’il y a deux sortes de Luxembourgeois, ceux qui ont la nationalité depuis plusieurs générations et ceux qui l’ont acquise plus récemment. La loi a ainsi pris ses distances à l’égard du discours nationaliste sur les „Luxembourgeois de souche“.

Enfin, la loi de 2017 a mis fin au problème de double standard soulevé par l’article 29 de la loi de 2008. Pour compenser le double droit du sol, un nouveau motif de réacquisition, basé sur le droit du sang, avait été introduit par la loi de 2008: Une personne pouvait réacquérir la nationalité luxembourgeoise si elle a un ancêtre masculin ou féminin qui possédait la nationalité luxembourgeoise au 1er janvier 1900. Une mesure de réethnicisation et déterritorialisation pour compenser la déethnicisation et la territorialisation introduite par le droit du sol. Ainsi, les personnes vivant en Amérique du Nord ou du Sud ayant des liens de sang lointains pouvaient, contrairement aux résidents étrangers, acquérir la citoyenneté sans passer de tests linguistiques et, comme la plupart d’entre elles vivent à l’étranger, sans clause de résidence. Selon la loi de 2017, plus aucune demande de réacquisition ne peut être faite après le 31 décembre 2018 et la déclaration de réacquisition doit être signée devant un officier d’état civil au plus tard le 31 décembre 2020 (délai prolongé au 31 décembre 2021 à cause de la pandémie actuelle).

80.000 nouveaux Luxembourgeois en douze ans

La loi Braz peut donc être considérée comme une nouvelle étape importante et nécessaire dans la libéralisation de la législation sur la nationalité dans un pays où près de 50% de la population résidente n’a pas la citoyenneté luxembourgeoise.

Si on fait un bilan statistique depuis 2008, on se rend compte de l’impact de ces lois d’ouverture. En 2008, on recensait 277.900 personnes de nationalité luxembourgeoise. De 2009 à 2020, 80.011 nouveaux Luxembourgeois et Luxembourgeoises sont venus s’ajouter, une augmentation de presque un tiers. A travers les nationalités concernées, on s’aperçoit que ces chiffres reflètent des processus d’intégration: 16.344 Français, 14.252 Portugais, 14.109 Belges, 7.115 ressortissants de pays d’ex-Yougoslavie, 4.649 Italiens et 3.365 Allemands ont acquis la nationalité luxembourgeoise dans les douze dernières années.

30.079 personnes ont pu recouvrer la nationalité luxembourgeoise parce qu’elles avaient un aïeul qui était Luxembourgeois en 1900. Cette mesure de réethnicisation n’a néanmoins pas profité avant tout aux „cousins“ des Etats-Unis (2.436 personnes) mais à des nationaux avec des liens historiques et actuels bien plus directs avec le Grand-Duché: des Français (10.884) et des Belges (10.816). Une émigration ancienne combinée à une immigration récente explique enfin le nombre élevé de Brésiliens (4.947) qui ont profité de la procédure de recouvrement qui s’achève cette année.

Comme pour bien d’autres sujets, ce bilan des réformes de la nationalité de l’histoire récente souligne qu’il est bien plus intéressant d’étudier le pays réel luxembourgeois, dynamique et divers, que d’entretenir les chimères de nations unes et immuables.

Therese
13. Juni 2021 - 9.49

wat e Kabes.Wichtegmaachen a profileieren,doran sin se gudd.An reklameieren wann se keng 25000 Euros de Mount kreien.Ech kann keng politiker mei gesin.

de Schéifermisch
12. Juni 2021 - 12.57

Une nation vivante qui change à tel point qu'on ne la reconnaît et que l'on ne s'y retrouve plus.