FranceLes Républicains sont pris entre deux feux

France / Les Républicains sont pris entre deux feux
La droite pensait avoir calmé le jeu mardi – ça n’a pas été le cas, bien au contraire Photo: AFP/Nicolas Tucat

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L’annonce dimanche, par Jean Castex lui-même, d’une fusion des listes LREM et LR autour du président de région PACA sortant, le LR Renaud Muselier, a déclenché un psychodrame à droite qui ne finit pas de secouer le parti.

L’appui accordé dans la région PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur) par les macroniens, avec la bénédiction du premier ministre Jean Castex, à Renaud Muselier, président LR sortant, n’en finit pas de faire des vagues. Les instances dirigeantes des républicains ont renoncé à l’exclure, et lui ont finalement rendu leur investiture après la lui avoir retirée. Et les secousses politiques ne s’arrêtent pas là, puisque le maire de Toulon, Hubert Falco, a annoncé qu’il quittait LR, celui de Nice, Christian Estrosi, envisageant d’en faire autant.

Derrière cette petite guerre régionale, qui pourrait n’avoir qu’un intérêt anecdotique, se cache en fait un affrontement majeur, et interne à l’ensemble de la droite non extrémiste, sur l’attitude à avoir face à la majorité présidentielle d’un côté, et au Rassemblement national de l’autre. Et cela dans la perspective, bien sûr, d’un scrutin d’une toute autre ampleur: la course à l’Elysée de l’an prochain.

Il serait bien difficile de ne pas considérer la droite classique française comme très directement responsable des difficultés qui l’assaillent aujourd’hui. Il y aura bientôt quatre ans, après s’être obstinée à présenter pour l’élection présidentielle de 2017 la candidature d’un François Fillon terriblement décrédibilisé par le pétrin judiciaire dans lequel il s’était lui-même fourré, elle perdait l’imperdable: la succession de François Hollande. Mais elle a eu, depuis, quatre années riches en problèmes pour le vainqueur d’alors, pour se refaire une santé électorale.

Or le parti Les Républicains a, de ce point de vue, montré une étonnante incapacité à se doter de trois forces essentielles: avoir un programme, une stratégie, un leader présidentiable. Sur ces trois fronts règne le plus accablant désert. Ce qui tendrait à prouver qu’Emmanuel Macron, malgré (ou grâce à) l’ambiguïté de son ambition initiale, et en dépit des obstacles qui se sont accumulés sur sa route, n’a pas seulement réussi à réduire la gauche à une poussière de petites formations et de personnalités plus ou moins antagonistes, mais aussi à fracturer – peut-être définitivement – la droite modérée.

Car celle-ci, coincée entre Marine Le Pen et la majorité macroniste, se montre décidément incapable d’élaborer un programme présidentiel, en tout cas suffisamment précis pour aller au-delà d’une incantation de principe à la sécurité publique et au libéralisme économique. Sans doute n’est-on encore qu’à un an de la grande échéance élyséenne; et les autres partis non-extrémistes ne semblent guère mieux armés à cet égard. Mais ce flou n’aide évidemment ni à la recomposition, ni à la mobilisation.

Quelle stratégie?

Non moins vague, pour ne pas dire obscure, apparaît aujourd’hui la stratégie présidentielle du parti LR. Une situation que ce qui est devenu „l’affaire Muselier“ aura illustrée jusqu’à la caricature, avec d’abord le retrait, puis au contraire la confirmation, de l’investiture des Républicains au président sortant de la région PACA pour les prochaines élections locales, au motif que les macronistes, qui savaient bien n’avoir aucune chance de l’emporter localement, le soutenaient face à un puissant rival du Rassemblement national.

Que feront les dirigeants des Républicains au second tour de la présidentielle, s’il s’agit, comme en 2017 – scénario dont les sondages annoncent pour l’instant la répétition – de choisir entre Macron et Le Pen? C’est évidemment tout l’avenir de LR qui se joue là.

Que feront les dirigeants des Républicains au second tour de la présidentielle, s’il s’agit, comme en 2017 – scénario dont les sondages annoncent pour l’instant la répétition – de choisir entre Macron et Le Pen? C’est évidemment tout l’avenir de LR qui se joue là. Car cette famille, pilier historique de la Ve République sous différentes formes et appellations, est aujourd’hui déchirée entre les héritiers du gaullisme, et d’ailleurs de Jacques Chirac, conservateurs souvent mais irréductiblement hostiles à l’extrême droite, et la frange venue d’époques ultérieures, pour laquelle Marine Le Pen, dédiabolisée, est devenue fréquentable électoralement – en tout cas, davantage que le président sortant.

Enfin – peut-être même faudrait-il dire: surtout, compte tenu de l’hyper-personnalisation de l’élection présidentielle au suffrage universel – l’opposition de droite républicaine n’a jamais réussi, en quatre ans, à faire émerger une personnalité susceptible de s’imposer comme candidat naturel de la famille. Il faut dire qu’elle n’y a pas été aidée par le jeu assez illisible de Nicolas Sarkozy, alternant les réapparitions intéressées avec les protestations de retrait définitif de la vie publique.

Quel candidat?

Elle n’y a pas été aidée non plus par les échappées solitaires de deux anciens ministres aujourd’hui plus ou moins en rupture de ban avec LR et devenus présidents de grandes régions, Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France, officiellement candidat à la présidence de la République, et Valérie Pécresse à la tête de l’Île-de-France, qui y songe, elle aussi, un peu plus discrètement.

Mais parmi les dirigeants du parti, que l’on a beaucoup entendus à l’occasion du débat sur la stratégie régionale de Renaud Muselier, aucune personnalité n’a su émerger en quatre ans dans l’opinion. Au contraire, même: ces caciques apparaissent plus que jamais comme des apparatchiks, non comme des leaders populaires, et moins encore charismatiques. Le paradoxe actuel pourrait donc bien être, pour cette partie de la classe politique française qui se réclame (de plus en plus vaguement, il est vrai) d’une filiation gaullienne, que la logique présidentialiste de la Ve République semble aujourd’hui lui échapper.