Exposition Noir & BlancVoir et revoir le monde

Exposition Noir & Blanc / Voir et revoir le monde
La „Grande Vague“ de Gustave Le Gray joue sur les oppositions Photo: Gustave Le Gray

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L’exposition Noir & Blanc: une esthétique de la photographie, au Grand Palais, se visite désormais en ligne. Avec conférencier ou audioguide. Elle réunit les œuvres de 300 photographes et procède par thématiques, dans un jeu de résonances, depuis le début de la photographie jusqu’à nos jours. Certains photographes contemporains cultivent le noir et blanc pour la distance et le recul qu’il suscite. C’est aussi pour les artistes un moyen d’interroger ce médium.

Le noir et blanc crée des mondes particuliers, ceux du rêve, de l’amour, de l’imaginaire. Il permet de dramatiser ou de mettre en valeur, par la netteté des lignes et des volumes, il révèle des objets industriels, les arêtes d’un paysage, offre de nouvelles lectures. „Le monde en noir et blanc recèle quelque chose de mystérieux qui ne peut être décrit et qui est formidablement séduisant. Est-ce faux de penser que cela touche nos cœurs d’autant plus fort que nous vivons à une époque où tout peut être photographié en couleurs?“, écrivait le photographe japonais Shoji Ueda (1913-2000). Il ne faut pas oublier qu’à une certaine époque le recours à la couleur était considéré comme banal et vulgaire, là où le noir et blanc apportait sa dimension universelle.

Aux origines du noir et blanc

La visite débute par les origines du Noir et Blanc. Et nous nous apercevons que le noir et blanc, avant l’invention de la photographie en couleurs par les frères Lumière en 1903, était surtout composé de teintes dites sépia, les noirs et blancs purs constituant l’exception. En 1841, le procédé négatif/positif breveté par l’Anglais Fox Talbot multiplie les épreuves sur papier et en varie les teintes. Les papiers barytés mettent d’accentuer les contrastes. Certains photographes jouent sur les oppositions, comme Gustave Le Gray avec sa „Grande Vague“, prise en 1857.

La force des noirs et des blancs, la variation des couleurs, influent sur la perception de l’image. Plus celle-ci est contrastée, plus le regard s’en empare aisément, tandis que la nuance établit une certaine distance, là où le temps se fait plus sensible.

Dans la série des Femmes noires de Valérie Belin, les visages se font sculptures
Dans la série des Femmes noires de Valérie Belin, les visages se font sculptures Photo: Belin

Il est émouvant de découvrir les clichés de Denise et Jacques, les enfants d’Emile Zola, une mosaïque d’épreuves de la fin du XIXe siècle. Outre le fait de voir les enfants de l’écrivain, celui-ci possédant un laboratoire de développement et s’adonnant à la pratique de la photo, six tirages réalisés à partir d’un même négatif nous sont proposés: un cyanotype, des aristotypes, un tirage argentique. On laissera au visiteur le soin de savoir ce que ces termes recouvrent exactement. Toujours est-il qu’à cette époque, les photographes tirent parti de tout un spectre, allant du noir profond au blanc pur, en variant les teintes bleues, rousses, brunes, selon la chimie et les supports employés.

Arts graphiques et lumière

Les photographes des avant-gardes choisissent le noir et blanc, en réaction à la couleur, et poussent à l’extrême leur pratique, surtout dans les années 1970-1980. Sont alors convoqués les nets contours du sujet, un graphisme qui augmente la perception du réel, sur des fonds contrastés et des tonalités opposées. Le monde se revisite, les photographes en font saillir les volumes, les lignes, avec une acuité extrême. Les visages se font sculptures, comme dans la série des Femmes noires de Valérie Belin. Trois photos monumentales de visages de femmes, trois regards sur le spectateur. Ce sont des images frontales, sans affect, qui interrogent le rapport de l’objet à l’humain et montrent, par la délicatesse des volutes, des courbes, les possibilités de la photo. Ces visages semblent des sculptures aux ornementations délicates, la fixité du regard ajoute à cette sensation. Valérie Belin travaille dans l’hyperréalisme et interroge également la présence muette des êtres et des choses, elle capture l’enveloppe du sujet, la lumière, la matière, sur des fonds monochromes et sans profondeur.

Toujours par le jeu de contraste du noir et blanc, les lignes de force et les volumes qui structurent le réel apparaissent plus intensément, en architecture en particulier. C’est l’époque où les photographes s’intéressent à la modernité urbaine et industrielle. Parfois ces architectures surgissent comme tracées au crayon. La photo se revendique alors comme héritière des arts graphiques. D’autres procédés ou accidents viennent imprimer le papier et jouer de leurs effets, c’est le cas avec la lumière. Soudain surgissent des rayures, des ombres portées, des éblouissements, jusqu’à l’abstraction. Nous découvrons également les images nocturnes et l’inversion des valeurs. Ces expérimentations lumineuses font toujours l’objet de recherches aujourd’hui, comme si le noir et blanc et la lumière renvoyaient directement les photographes aux sources de leur art. Certains travaillent à partir des empreintes blanches des objets posés à même un papier sensible. Ils surexposent la pellicule, ils creusent les ombres au tirage et brouillent les contours du monde par l’éblouissement ou l’opacité.

On le voit, les possibles sont infinis, le noir et blanc étant les extrêmes d’un large éventail de demi-teintes et la visite, fourmillant de détails et d’enseignement, permet avec bonheur de renouer avec l’espace, même virtuel, de l’exposition.

Info

Visites en ligne de l’exposition Noir & Blanc (grandpalais.fr)
Jusqu’au 18 juin 2021