ThéâtreUn bain de sang sans fin

Théâtre / Un bain de sang sans fin
Pitt Simon et Luc Schiltz dans „Terres arides“ © boshua

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Même si la pandémie a relégué au second plan les événements du Moyen-Orient, les problèmes posés par le conflit syrien et l’organisation terroriste, l’Etat islamique, sont loin d’être réglés. C’est ce que nous montre la pièce documentaire „Terres arides“ de Ian De Toffoli – une coproduction du Théâtre du Centaure et du Kulturhaus Niederanven.

Dans un mélange de théâtre narratif et de fiction documentaire, „Terres arides“, le deuxième projet du cycle „Les Agitateurs“, raconte le voyage en Syrie d’un journaliste luxembourgeois en 2019 et l’histoire d’un „foreign fighter“ né au Luxembourg. La pièce évite de mentionner les noms spécifiques, car contrairement au contexte de la guerre civile, qui fait rage en Syrie depuis 2011, et les développements et étapes exactes des agissements de la milice terroriste Daech, l’histoire du journaliste Petz Bartz, parti en Syrie pour interviewer Steve Duarte, sont bien connus au grand-duché.

Ainsi, la pièce commence par les origines du conflit syrien, décrit l’organisation précise du „voyage privé en Syrie“ du journaliste pour interviewer le Portugais S., natif du Luxembourg, qui a rejoint Daech, et montre que l’état de droit luxembourgeois ne peut, ne doit pas, ignorer cette affaire.

Dans la pièce de Ian De Toffoli, S. sert d’exemple symbolique pour de nombreux jeunes Européens et Européennes qui se radicalisent et quittent leur pays pour aller soutenir l’Etat islamique dans l’est du monde. Comment se fait-il qu’une personne ayant grandi dans un Occident sécularisé se radicalise dans son pays d’origine? C’est autour de cette question cruciale que tourne non seulement le reportage du journaliste luxembourgeois, mais aussi le texte de Ian De Toffoli, qui culmine avec l’interview presque pitoyable du djihadiste luxembourgeois, imité de façon parfaitement réaliste par Luc Schiltz, qui incarne le jeune Portugais, et Pitt Simon, qui donne corps et voix au journaliste.

Le cas S.

Oscillant entre jeu d’acteur et reportage documenté, la pièce fait découvrir au public l’histoire tragique du jeune Portugais dont le parcours de jeunesse ne s’est pas déroulé sans accrocs. Profitant de ce que le jeune S. ait éprouvé un manque d’intégration et une absence totale de perspectives, l’Etat islamique, qui diffuse sa propagande dans le monde entier grâce aux médias sociaux, a promis à S. un voyage au paradis et lui a conféré une importance qu’il n’aurait probablement jamais reçue dans son pays d’origine. Le cas de S. montre, tout comme la pièce, que même le Luxembourg, qui aime à se bercer en toute sécurité, n’est pas épargné par la terreur islamiste.

Un décor simple, composé par des pierres éparpillées sur la scène et une toile de fond sur laquelle sont projetés des documents historiques et des indications géographiques, permettent aux spectateurs de se concentrer sur l’essentiel. Au début de la présentation, le public est submergé par une avalanche d’informations, certes essentielles, de sorte que le spectateur risque presque d’étouffer.

Ce qui peut sembler à première vue un peu surchargé de faits, de dates et d’événements historiques, s’avère être bien plus qu’une simple pièce documentaire bien recherchée. Il faut souligner non seulement les travaux de recherche méticuleux que De Toffoli a effectués ici, mais aussi la mise en scène et la reproduction de ces faits par Luc Schiltz et Pitt Simon, qui s’adressent directement au public avec leurs paroles, leurs discussions et leurs questions, perçant régulièrement le fameux quatrième mur du théâtre.

„Terres arides“ décrit non seulement le voyage entrepris par un journaliste luxembourgeois en Irak et en Syrie, mais aussi la biographie et le parcours d’un djihadiste né au Luxembourg. La pièce de De Toffoli soulève des questions à la fois politiques, juridiques et éthiques. Qu’arrive-t-il à ceux qui quittent la sphère occidentale pour se battre pour Daech et qui languissent maintenant dans une prison à l’autre bout du monde, au risque d’être condamnés à mort sans aucun procès? Les jetons-nous dans un trou noir et les laissons-nous y crever jusqu’à la fin de leur vie ou les ramenons-nous en Europe pour leur donner la possibilité d’une procédure légale régulière? „Terres arides“ – une pièce de théâtre documentaire qui pousse à la réflexion – nous montre que le conflit syrien est loin d’être terminé et qu’en fin de compte, il nous concerne tous.

Prochaines représentations le 27, 28 et 29 janvier à 20 heures au Mamer Kinneksbond, où la pièce est jouée dans le cadre du „Partage de plateaux“.