Corps à corps au Trois C-LBlind dates avec les chorégraphes

Corps à corps au Trois C-L / Blind dates avec les chorégraphes
Tania Soubry attend le public dans sa chambre-capsule de Londres Photo: DR

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Avec un nouveau format baptisé „1+1 au 3“, le Centre de création chorégraphique luxembourgeois (Trois C-L) propose au public de découvrir de nouveaux spectacles en tête à tête avec l’artiste. Un exercice rendu possible et nécessaire par la situation sanitaire.  

Le directeur du Trois C-L, Bernard Baumgarten, a pris la séquence pandémique comme une occasion de sortir du traintrain quotidien et de relever le défi de créer de nouveaux formats capables de répondre à la fois aux restrictions sanitaires et à la vocation du Centre de création chorégraphique de soutenir les danseuses et danseurs dans une période difficile. 

La prochaine édition du rendez-vous mensuel de découverte de la création qu’est „le trois du 3“, qui reprend le 3 février après trois mois d’absence, permettra au public comme aux artistes de vivre une expérience unique que seule la situation due au coronavirus a permis d’envisager. Le nouveau format, baptisé „1+1 au 3“,  propose un tête-à-tête entre spectateur (ou spectatrice) et artiste, pour chacune des représentations inédites répétées huit fois des douze participants. Avec un maximum de 96 personnes – dont 48 en ligne –, mais beaucoup moins dans les faits puisqu’une personne peut suivre plusieurs chorégraphies, les restrictions sanitaires seront facilement observées. 

Le fait d’avoir dû repousser deux fois ce projet aura au moins eu l’avantage de pouvoir embarquer l’Œuvre Grande-Duchesse Charlotte dans l’aventure, et de doubler le nombre d’artistes invités à participer. Six proposeront leur spectacle en les murs de la „Banannefabrik“. Six autres proposeront leurs spectacles en ligne. Le seul choix du public sera de suivre un spectacle en présentiel, comme on le dit aujourd’hui en d’autres domaines, soit en ligne. „Cette approche permet aux artistes de continuer à produire, à créer, dans une grande liberté d’expérimentation autour de ce format exclusif. Nous sommes persuadés que cette initiative permette de ressentir, de découvrir autrement la danse en faisant profiter le public d’un moment privilégié avec un artiste“, assure Bernard Baumgarten.

Le public n’aura que le choix entre danse physique et danse en ligne. Il ne pourra réserver qu’un ou plusieurs créneaux, mais il ne pourra pas choisir le ou la chorégraphe qu’il aura en face de lui. A la „Banannefabrik“, on lui demandera de choisir entre six objets qui guident chacun vers un spectacle. En ligne, c’est la machine qui attribuera de manière aléatoire un spectacle.

La pandémie au centre

La performance dure 15 minutes et sera suivie d’un court échange de quelques minutes entre public et artiste. Ce qu’on peut déduire des spectacles proposés dans chacune des deux formules, c’est que les spectacles en ligne offrent plus de liberté technique et stylistique, tandis que les spectacles à la „Banannefabrik“ sont plus dépouillés et intimistes. Ensuite, les chorégraphes, qui avaient liberté de choix dans leur écriture, ont dans leur grande majorité tiré leur inspiration de l’expérience que leur a fait vivre la pandémie.

Depuis son logement londonien, Léa Tirabasso propose d’enterrer en bonne et due forme l’année 2020, année des occasions manquées, à travers „un rituel, pour les danses oubliées et les danses à venir“. En ligne, pour sa première apparition comme chorégraphe au Trois C-L, Ioanna Anousaki propose une réflexion sur la solitude par un jeu avec son ombre projetée sur un mur, symbole de peur mais aussi seule compagnie en période de confinement.

Sarah Baltzinger s’est choisi sur un espace restrictif et fermé de la Banannefabrik, pour un spectacle qui fait écho au confinement. „Je propose un objet chorégraphique qui travaillera sur le geste et l’espace impossibles. C’est une forme de métaphore de l’empêchement“, explique la chorégraphe habituée à travailler sur l’aliénation sociale et la déshumanisation, que la pandémie a poussées à leurs paroxysmes. 

La lauréate du „Lëtzebuerger Danzpräis 2019“, Jill Crovisier a choisi de raconter depuis chez elle l’histoire d’une dame qui, privée d’invités, rejoue une scène de diner de son enfance. La lauréate précédente du prix décerné tous les deux ans, Simone Mousset proposera sans doute le spectacle le plus expérimental en faisant de l’imprévisibilité caractéristique de la séquence historique actuelle une posture politique. C’est face au public, que la chorégraphe décidera de sa chorégraphie. Elle offrira ainsi huit spectacles différents, dans ce qu’elle entend être une célébration de l’improvisation. Rien n’est prévu d’avance. „Au moment où le spectateur entre, je n’ai rien de planifié, je n’ai pas de thème, pas de parcours, pas d’objet, rien pour m’inspirer. La première pensée qui me vient, je la suis, je l’explore, je la développe, en essayant de rester authentiquement dans le moment, de ne jamais anticiper.“ 

Au moment où le spectateur entre, je n’ai rien de planifié, je n’ai pas de thème, pas de parcours, pas d’objet, rien pour m’inspirer. La première pensée qui me vient, je la suis, je l’explore, je la développe, en essayant de rester authentiquement dans le moment, de ne jamais anticiper.

Simone Mousset, chorégraphe

Voyages et coming out

Parmi les objets les plus originaux de la soirée, il y aura l’histoire interactive pensée par Tania Soubry. Artiste pluridisciplinaire, elle entremêle danse et performance, pour une histoire qui s’inspire d’une actualité de son pays de résidence, autre que le variant que tout le monde craint, à savoir le Brexit. L’île est sortie de l’UE et décolle pour quitter la Terre. Tasou (son personnage) gravite dans sa chambre-capsule avec son manuel „Down to Earth“ du sociologue Bruno Latour. Le spectateur délibère si elle doit revenir sur Terre à travers un jeu. Celui-ci est composé d’un jeu de quatre cartes (le global, le local, le hors du monde et le terrestre), et de  quatre objets consultatifs: une bouteille de coca-cola, des fish and chips, un casque spatial et une plante. Le jeu permet une multitude de combinaisons et autant de variations de l’action performative, qui inclue une curieuse „consultation dansante des objets“. 

Pour sa première pièce, titré „Passenger“, Isaiah Wilson attendra le public dans son garage au volant de sa voiture. A l’arrière seront projetés des décors en mouvement créant les conditions d’une balade nocturne. Le conducteur reçoit un appel inquiétant qui l’amène peu à peu à perdre contact avec la réalité, à quitter les sentiments réels pour aller vers quelque chose de mystique. 

William Cardoso donne un avant-goût de sa recherche en cours pour un spectacle qu’il va monter à Berlin en 2021. Cela s’appelle „Dear mum“ et c’est très intimiste. „C’est une recherche autour de la souffrance qu’un jeune adolescent vit avant, pendant et après un coming out“, explique l’artiste. „Je veux parler de l’impact social et religieux que cela peut avoir sur un corps jeune et comment on peut se sortir de cette guerre en nous.“ Le „1+1 au 3“ offrira donc un vaste panorama des pratiques et écritures chorégraphiques.

Sarah Baltzinger explore un espace restrictif de la „Banannefabrik“
Sarah Baltzinger explore un espace restrictif de la „Banannefabrik“ Photo: Annabelle Ledrich

Le 3 février

Le „1+1 au 3“ est un format spécialement conçu pour le 3 février. Vous avez la possibilité de réserver un ou plusieurs créneaux d’une demi-heure entre 12.30 et 14 h et/ou 18.30 et 21 h pour les spectacles en live à la „Banannefabrik“ ou entre 14 et 16.45 h et/ou 18 et 20.45 h pour les spectacles en ligne (sur la plate-forme Zoom). Rendez-vous sur www.danse.lu