LithographieDaumier et ses caricatures

Lithographie / Daumier et ses caricatures
„Rue Transnonain“, d’Honoré Daumier

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Honoré Daumier (1808-1879) est né à Marseille dans un milieu populaire. Son père, vitrier, a des ambitions de poète et se rend à Paris. Il y fera venir sa famille en 1816. Se situant au début entre l’art et l’artisanat, Honoré Daumier travaille chez un lithographe et en 1830 débutera sa carrière de caricaturiste politique.

La lithographie est une technique idéale pour les revues satiristes. Plus souple que la gravure, elle permet d’aller à l’essentiel, au grotesque d’une situation. Le dessin aux traits plus ou moins ombrés définit un visage, une silhouette, et par là transmet de manière claire une idée. C’est ainsi que des artistes comme Daumier traduisent la vie immédiate et s’emparent de la sphère politique.

Avec „Rue Transnonain“, lithographie publiée en juillet 1834, Daumier témoigne d’un soulèvement populaire et d’un massacre des habitants. Il représente le père tombé mort sur son fils. La chambre est jonchée de cadavres. Charles Baudelaire dira: „Ce n’est pas de la caricature, mais de l’histoire, de la terrible et triviale réalité.“

Cette réalité sera transcrite gravement et sans sentimentalité, ce qui amplifiera le propos. Les zones très noires et très blanches, juxtaposées, jouent du contraste pour mettre en relief le cadavre du père, soutien de famille. Rappelons que sous le règne de Louis-Philippe, le régime fait face à l’opposition républicaine. Ce père de famille représenté sur presque toute la surface de l’image rappelle un tableau de la Renaissance, „Le Christ mort“ de Mantegna. Daumier réutilise une composition héroïque pour figurer une scène quotidienne. Voici un glissement exemplaire vers le témoignage et une dénonciation du régime politique.

Il y a également les portraits-charges de Daumier, des caricatures grotesques. Personne n’y échappe. „Les Célébrités du Juste Milieu“, une série de 36 bustes en terre crue, réalisés entre 1832 et 1835, caricaturent des personnalités politiques de la Monarchie de Juillet, ministres, députés, une panoplie de célébrités. Ces bustes serviront à réaliser des lithographies publiées dans le journal La Caricature.

Peintre du peuple, des petits, des vaincus

Evidemment, les traits sont amplifiés, en fonction des visages, et les costumes simplifiés, réduits aux éléments caractéristiques de la charge. Intéressant à savoir, Honoré Daumier se tourne vers l’étude de mœurs à partir de 1835, car la censure interdit la caricature politique. Honoré Daumier est un iconoclaste, il se moque de l’enseignement de l’histoire traditionnelle, à laquelle plus personne ne comprend rien, des postures héroïques, il démystifie l’idéal de beauté.

Il crée un personnage, Ratapoil, qui n’est pas une caricature directe de Napoléon III. A part la moustache, rien ne lui ressemble. C’est le type même de l’agent de propagande, de l’aventurier politique au service du pouvoir. On décèle une violence subversive dans le traitement du costume. Celui-ci est ambivalent. Son haut de forme rappelle la bourgeoisie, tandis que la redingote lui donne un air de canaille.

Honoré Daumier sera également le peintre du peuple, des petits, des vaincus. Autodidacte, il maîtrise sa technique, utilise la spontanéité du trait de la lithographie pour sa peinture. Les gens de justice seront toujours sous la loupe, et Honoré Daumier peindra des scènes de la vie quotidienne avec la volonté d’aller à l’essentiel et d’en faire des scènes universelles. Celles-ci se multiplient et le peintre donne aux gens humbles une présence profondément humaine et digne, qui contraste avec le grotesque bourgeois.

„Le Fardeau“ (1853, huile sur toile) représente une blanchisseuse sur les quais de Paris, avec la force du trait simplificateur, c’est une ombre pesante, un enfant agrippé à la jupe. Nul pathos, mais la dignité des humbles.

Le XIXe siècle a vu bouleverser en art la hiérarchie des genres et des sujets traités. Nul doute qu’Honoré Daumier est le précurseur de nos caricatures et le peintre des pauvres, ceci sans exagération, avec peu d’expressivité, pour ne pas tomber dans le mélodrame. Il est le peintre de notre modernité, il nous oblige à regarder ceux que nous voyons si peu, surtout en ces moments de crise – comme si la misère, la pauvreté, les fractures sociales, représentatives des bouleversements sociétaux, redevenaient, pour un temps, visibles.