ExpoDu papier à la terre

Expo / Du papier à la terre
Les Figures de la terre (c): Droits réservés

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Des images archétypales, du papier vivant, qui retient les empreintes du temps, des traces semblables à celles des fossiles, de la vie microscopique, comme happée, des déplacements sur un papier en dentelle, travaillé selon les règles mystérieuses de la nature, des épaisseurs de papier qui s’accrochent par pans immenses, s’assemblent comme autant d’attrape-rêves. Telles sont les œuvres très particulières du plasticien Dominique Rousseau.

Né en 1953 dans la Sarthe, agrégé d’arts plastiques, architecte de métier, n’ayant jamais cessé de dessiner, Dominique Rousseau se consacre entièrement à son art à partir de 2014. Enfant, grâce à ses parents coopérants, il a beaucoup voyagé, au Vietnam, au Cameroun, en Côte d’Ivoire et en Tunisie. Ses cahiers de dessin ne le quittaient pas. De ce parcours riche et brillant, on retiendra qu’il a officié en tant qu’architecte à Abidjan et Tunis, et qu’il a enseigné les arts plastiques à Angers, où il vit désormais. Comme tout artiste il a exploré la question de l’espace sur lequel il œuvrait, puis il s’est mis à questionner la nature même du papier.

Dominique Rousseau glane des matériaux naturels, se sert de pigments également naturels, interroge l’humus qui constitue la nature, rendant hommage à la terre, aux éléments, à la vie microscopique, au terreau même de nos existences. Il interroge l’infiniment petit, la trace, le déplacement. Ses œuvres relèvent d’une partition. Comme de grands parchemins qui appartiendraient à quelque tribu dont il s’agirait de déchiffrer la vie par des signes atemporels, de ceux qui figurent par exemple dans les grottes de Lascaux. Mais nous pensons également aux Indiens, par une manière fluide, claire, une affirmation de l’œuvre dans l’espace. Une déclaration de la nature: la lire et la laisser faire en nous.

Le terreau de nos existences

Pour „Les Figures de la terre“, la plupart du temps nous n’arrivons pas à appréhender l’œuvre dans son ensemble. Certes nous avons des formes saisissables, comme des écussons, des sortes de totems, mais difficilement identifiables, comme si de vastes organismes inconnus, flottant dans les airs, nous faisaient face. Comme si la nature, en gestation, évoluait encore sous nos yeux. Et donnait dans son infinie richesse quantité de couleurs, de transparences, de traces, de vies minuscules. En approchant, ces vies minuscules nous happent, elles agissent par superpositions, et comme pour le détail d’un livre, une illustration particulière, elles sont à la fois limpides et multiples, ce qui donne une cartographie d’une richesse inouïe. Nous pouvons laisser dériver l’œil, et le regard passe de l’œuvre à la frondaison des arbres, par-delà les vitres, avec aisance. Il s’agit du même propos, entre ciel et terre.

Après avoir utilisé le papier comme support au dessin, à la lithographie, à la gravure, Dominique Rousseau en interroge la matière même. Et ce qui prend forme, ce papier étrange, jamais vu par ailleurs, précieux, à la texture épaisse et découpé parfois comme de la dentelle, jouant de ses faisceaux, est créé par l’artiste. Guidé au début par Jean-Michel Letellier et Miki Nakamura, issus de la tradition japonaise, Dominique Rousseau assemble par strates des couches de fibres, mêlées de pigments et d’empreintes. L’eau dépose, révèle, disperse, elle fait advenir. Le papier est ici membrane, une peau vibratile.

Le plus frappant, dans l’œuvre de Dominique Rousseau, est cette démarche qui va de la terre au papier. Il crée un palimpseste qui réécrit l’histoire du monde. On retrouve le matériau brut des origines à travers une démarche d’accumulation, à l’inverse cependant de l’écriture. Dans un palimpseste, en creusant, on trouve le texte d’origine. Mais là, l’artiste part d’un matériau brut, inverse la pratique d’écriture et la retrouve à partir des matériaux de la terre et des origines. Et le papier est une transmutation, il nous ramène à l’essentiel. Le moindre signe fait sens, à la manière à la fois archéologique et anthropologique. Il révèle ce qui nous façonne et nous oblige de manière inconsciente. Une pièce sublime, une sculpture, une sorte de cocon, nous attend, niché dans une tourelle. Majestueusement suspendu. Un enveloppement. Cette suspension lui donne un caractère particulier, comme les carcasses suspendues de Rembrandt. Nous avons, malgré la légèreté et la douceur de la matière, une sensation de lourdeur, un poids qui vient contredire la dentelle du papier. Quelque chose de matriciel. On hésite entre une naissance et une mort. Le cocon en appelle à cette symbolique, et parfois, dans les formes des grands panneaux à la limpidité organique, l’érotisme affleure, par la couleur, un endroit plus ombré, une fleur, un évasement ou un rétrécissement. Ces traces et empreintes sont autant de passages et de réminiscences de la vie. Nous faisons partie de ces œuvres, nous leur faisons face dans une énigme commune.

Info

Dominique Rousseau,
Les Figures de la terre
Jusqu’au 31 octobre 
Centre régional d’art contemporain
Château du Tremblay
89520 Fontenoy 
www.dominiquerousseau.com

Les Figures de la terre
Les Figures de la terre (c): Droits réservés