Du point de vue de sa popularité, la situation de l’exécutif est paradoxale. Comme il arrive généralement en période de forte inquiétude face à un danger collectif menaçant, on a d’abord observé dans les enquêtes d’opinion un resserrement de celle-ci autour du chef de l’État: cela avait été très net, par exemple, en faveur de François Hollande en janvier 2015 après l’attentat terroriste islamiste contre Charlie Hebdo. Sans être aucunement comparable, la situation actuelle a d’abord tendu à susciter le même réflexe.
Mais ces sondages enregistrent depuis une quinzaine de jours (en gros, depuis le début du confinement) une irritation populaire croissante à l’égard de l’impréparation manifeste de la France face à l’épidémie – même si elle n’est certes pas la seule – et des retards de plus en plus criants dans la livraison de matériel de protection de base, principalement les masques de type FFP2, ainsi que des respirateurs pour intuber les malades les plus atteints. Sans parler du débat, toujours point tranché, sur la pertinence d’administrer à toutes les personnes contaminées la fameuse hydroxychroloquine prônée, de Marseille, par le professeur Didier Raoult.
Bref, il était temps, pour le gouvernement, de faire devant l’opinion un grand point de la situation. C’est ce à quoi s’est employé durant deux heures à la télévision, samedi, Edouard Philippe, avec le concours de son ministre de la Santé Olivier Véran, lui-même médecin (et qui s’affirme actuellement dans ses nouvelles fonctions comme un successeur solide d’Agnès Buzyn) et de plusieurs autres hauts responsables de la communauté médicale française.
Edouard Philippe et son ministre ont rappelé que les pouvoirs publics avaient fait le choix de s’appuyer largement sur les travaux et les réflexions de différentes „sociétés savantes“, y compris dans la controverse sur l’hydroxychloroquine, tout en prenant soin de ne pas sembler se défausser sur ces spécialistes de la responsabilité des décisions prises. Manifestement, le gouvernement veut afficher sa détermination à „assumer“.
50.000 tests de dépistage par jour fin avril
Concrètement, plusieurs informations ou précisions ont été données au cours de cette conférence de presse. Il a ainsi été indiqué que le nombre de lits de réanimation équipés à cette fin allait être porté à 14.000 au moins, à la suite d’une importante commande de respirateurs à une grande société française, et qu’un milliard de masques adaptés au coronavirus étaient commandés, principalement à la Chine, un pont aérien étant mis en place pour les acheminer le plus vite possible.
La France devrait en outre être en mesure de réaliser 50.000 tests de dépistage par jour d’ici la fin avril, contre 5.000 aujourd’hui, et 100.000 avant la fin juin. Treize séries d’essais cliniques sur de possibles médicaments sont actuellement en cours, a-t-il aussi été annoncé. Quant aux EPHAD (Établissements hôteliers pour personnes âgées dépendantes), le confinement de leurs résidents sera désormais aussi interne: non seulement ils ne pourront toujours pas recevoir de visites, mais ils devront, de surcroît, rester dans leurs chambres.
Au total, Edouard Philippe s’est donc livré à un tour d’horizon qui panachait assez habilement les précisions techniques, souvent laissées à son ministre, et les déclarations plus générales. Il s’est appliqué à se présenter non en accusé, mais en chef d’équipe résolument volontariste, ne craignant pas, à l’occasion, de hausser le ton. „Je ne laisserai personne, a-t-il par exemple déclaré, dire qu’il y a eu du retard sur la prise de décision du confinement.“
L’objectif de l’exercice étant clairement de montrer que le pays, dans cette tourmente planétaire, est gouverné par ceux qui en ont la charge; de le préparer, aussi, à une épreuve longue – le confinement qui devait s’achever demain a d’ailleurs été prolongé „de deux semaines au moins“ – et, tout de même, de l’inciter à ne perdre ni confiance, ni espoir.
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