L’histoire du temps présent: La voie offshore

L’histoire du temps présent: La voie offshore
Pierre Dupong (Foto: Tageblatt-Archiv)

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Cette année sera celle de l’anniversaire rond d’un événement historique crucial et pourtant méconnu de l’histoire du Luxembourg. La décision prise il y a 90 ans a eu un impact considérable sur la destinée du pays. Il pèse aujourd’hui encore sur tous les aspects de l’existence de ses habitants. En 1929, la Chambre des députés votait la loi sur les holdings. Elle creusait ainsi les fondations de la place financière et faisait le choix de la voie offshore.

De Vincent Artuso

Le projet de loi soumis au débat les 16 et 17 juillet 1929 était court et concis, constitué d’à peine deux articles. Il visait à autoriser la création de sociétés holding au Luxembourg. Ces Holdings 1929 – ou plus simplement H29 – n’avaient pas le droit d’avoir d’activité commerciale ou industrielle dans le pays. Leur seule fonction était de recueillir les dividendes de leurs soi-disant filiales étrangères dans le Grand-Duché, où ils étaient exemptés d’impôts.

Mais puisque les dividendes de ces sociétés n’étaient pas imposés, où était l’intérêt pour le Grand-Duché? Une H29 était malgré tout tenue de s’acquitter de certaines taxes: droit d’apport, droit de timbre ainsi qu’un droit d’abonnement annuel correspondant à 0,16% de la valeur de ses titres. Pour les grandes entreprises françaises, belges, allemandes, voire britanniques ou américaines que cette loi visait à attirer, le montant de l’impôt était extrêmement modeste comparé à celui de leur pays d’origine. Pour un pays de la taille du Luxembourg, ces revenus pouvaient en revanche représenter une véritable manne.
Cela explique la forte concurrence qui a existé d’emblée avec d’autres petits pays qui s’étaient également engagés sur le marché offshore, comme la Suisse, le Liechtenstein ou le Panama – la liste des états frappés par des scandales en leaks était constituée dès la fin des années 1920 … Au-delà des revenus fiscaux inespérés, le gouvernement espérait aussi attirer au Luxembourg des capitaux pour alimenter son industrie sidérurgique.

Une mauvaise conscience à peine dissimulée

La possibilité d’attirer des capitaux étrangers grâce à des artifices légaux, dans un pays encore très fortement imprégné par le catholicisme, n’allait pas de soi. La lecture du compte-rendu du débat à la Chambre montre que certains députés peinaient à dissimuler leur gêne. D’autres ont, dès cette époque, mis en garde leurs collègues contre certains dangers qu’ils entrevoyaient: le risque de surenchère dans le dumping fiscal et celui d’une perte de souveraineté au profit de puissants intérêts financiers.

Le ministre des Finances, Pierre Dupong, avait un argument simple à leur opposer: „Nous avons en ce moment la certitude qu’un certain nombre de sociétés Holding s’établiront prochainement chez nous, si le projet est voté. Si le projet de loi n’était pas voté, ce que je n’admets pas un seul instant, ces sociétés s’éloigneraient de nos frontières, pour s’établir dans des pays où on leur fait de plus grands avantages. Qu’est-ce que nous y aurons gagné? Absolument rien …“

Puisque nous ne pouvons rien contre un état de fait, essayons au moins d’en tirer profit, telle était l’idée. Avec ce genre de raisonnement on peut tout aussi bien vendre du crack à la sortie des lycées … Quoi qu’il en soit, il suffit de dégager un consensus. N’oublions pas cependant que ces gens n’avaient pas été élus pour faire des leçons de morale mais pour défendre les intérêts du pays. Dans l’opposition, le parti ouvrier condamna le principe de la loi mais accepta son adoption au nom du réalisme: „Die jetzige Organisation der kapitalistischen Kräfte schafft die Möglichkeit, das Kapital leicht zu mobilisieren und schnell zu verschieben. Diese Tendenz erfährt jetzt eine starke Förderung durch die Holdinggesellschaften“, exposa Pierre Krier, futur ministre du Travail, à ses collègues de la Chambre ajoutant toutefois: „Wir möchten nun aber nicht diese Organisationsform verhindern. Wenn wir es tun wollten, wären wir doch dagegen ohnmächtig.“

Les premiers dividendes au bout de 30 ans

Le régime de holding luxembourgeois n’a pas atteint immédiatement les objectifs espérés. Pas étonnant, trois mois après sa création, la bourse de New York s’effondrait. La chute de ce premier domino mena à la Grande Dépression des années 1930. Avant même que celle-ci ne soit vraiment terminée, la Deuxième Guerre mondiale éclatait. Il fallut donc attendre près de 30 ans pour que le pari fait à l’été 1929 ne s’avère gagnant. A la fin des années 1950, la circulation des marchandises et celle des capitaux étaient enfin sur le point de rattraper leurs niveaux d’avant 1914!

Les multinationales en pleine expansion cherchaient à s’émanciper de l’autorité de leur pays d’origine et à y payer moins d’impôts. Elles avaient aussi besoin de se financer en dollars, si nécessaire en contournant les contraintes du système de Bretton Woods, mis en place à la libération. La H29 leur permettait d’atteindre ces objectifs. A partir de la fin des années 1950, le nombre de holdings domiciliées au Luxembourg a explosé, tandis que le pays devenait l’un des centres névralgiques du marché des eurodollars – c’est-à-dire des devises circulant en dehors de leur pays d’émission.

Le premier ministre au pouvoir pendant cette première phase d’expansion de la place financière était Pierre Werner. Celui-ci connaissait bien le secteur bancaire, dans lequel il avait travaillé. Il avait aussi été ministre des Finances. En 1991, dans ses mémoires intitulées Itinéraires luxembourgeois et européens, Werner revenait sur sa vision d’un libéralisme responsable: „Si la société libérale à laquelle je crois veut survivre elle devra prôner et s’imposer une autodiscipline de loyauté sociale, que les Etats devraient promouvoir également par d’autres moyens que l’inquisition.“

Il est toutefois intéressant de noter qu’un peu plus loin, il citait un ultime argument pour faire valoir le bien-fondé de son approche. Un argument qui ressemblait fort à celui qu’avait utilisé Pierre Dupong, son mentor en politique, plus de 60 ans plus tôt: „La réalité nue était que les investisseurs qui ne trouveraient pas l’avantage d’un régime de faveur ou de liberté à Luxembourg le trouveraient aisément ailleurs.“

Le consensus politique qui a permis au Luxembourg d’emprunter la voie offshore reposait donc sur deux présupposés. Le premier était qu’à une époque où régnait le chacun pour soi dans les relations interétatiques, tous les coups étaient permis. La création de la H29 encourageait le moins-disant fiscal et privait les états voisins de précieux revenus. Toutefois, dans l’entre-deux-guerres, ces derniers ne se distinguaient pas non plus par leur altruisme. Le Grand-Duché, qui avait failli disparaître dix ans plus tôt, devait lutter pour sa survie.

La fin du consensus?

Le deuxième présupposé était que les revenus générés par l’optimisation fiscale profiteraient à la population. Et, en effet, le développement de la place financière a permis de financer un Etat-providence généreux, de palier à la crise de la sidérurgie dans les années 1970 et de créer de nombreux emplois publics.

Le premier présupposé a entre-temps disparu. En tout cas la construction européenne lui a enlevé toute légitimité. D’ailleurs, il y a une quinzaine d’années un rapport commandé par la Commission européenne déclarait que la H29 faussait les règles du libre marché, l’assimilant à une sorte de subventionnement déguisé des entreprises qui en profitaient. Le régime a officiellement disparu le 31 décembre 2010. Il a cependant été remplacé par celui de la Soparfi (Société de participations financières).

Qu’en est-il du deuxième présupposé? Jusque-là le secteur financier a permis aux Luxembourgeois de vivre dans la prospérité. Mais vue la dépendance extrême à cette source de revenu, le moindre soubresaut de la Place pourrait avoir des conséquences dramatiques.

Souvenons-nous de ce qui s’est passé à Chypre, autre état ayant opté pour la voie offshore, en 2013. Afin de sauver les banques frappées par la crise, l’ensemble des comptes y avaient été bloqués et ceux de plus de 100.000 euros avaient été ponctionnés. La directive européenne relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (BRRD), active depuis le 1er janvier 2016, a depuis étendu la possibilité de recourir à cette solution d’urgence à l’ensemble de l’Union.

 

roger wohlfart
28. Januar 2019 - 9.43

Den Dupongs Péitchen hat eng zolit Basis, well hien hat Schonggréisst 50 !