ForumElections communales: un kaléidoscope iconoclaste

Forum / Elections communales: un kaléidoscope iconoclaste
 Photo: archives Editpress/Isabella Finzi

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Félicitations au DP de la Ville de Luxembourg

Oui, une fois n’est pas coutume, mais il faut féliciter le DP de la Ville de Luxembourg (VdL) pour sa capacité à refouler et à ne rien laisser transgresser de la guerre fratricide qui se joue depuis des semaines en son sein. Motus et bouche cousue, tel est le mot d’ordre. Une ministre, plus jeune, a osé défier la bourgmestre sortante, au début hésitante à vouloir rempiler pour un mandat supplémentaire. Et depuis, le DP de la capitale est scindé ou s’est scindé en deux camps qui se détestent mutuellement et qui se font des crocs-en-jambe permanents. Les tacles par derrière, très nombreux, se relaient avec les invectives des deux côtés. Le premier ministre, normalement le pompier de service, l’arbitre (?), a perdu son sifflet ou égaré les cartons jaunes ou rouges, il ne sait plus où faire des pieds et des mains. Et il est de notoriété qu’il rechigne à vouloir trancher des conflits. Donc, il fait le canard, notre sport national.

Que rien ne ressorte de cette guerre à la surface, il faut que tout soit lisse, surtout pas de vagues svp. Vive le 12 juin! Tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil. Du premier ministre comme nous le connaissons. La bourgmestre a délégué un échevin, qui lorgne également sa succession, pour faire le „bad guy“, pour les travaux pénibles, qui ne se gêne pas de cibler le dessous de la ceinture, pour e.a. „s’occuper“ de la récalcitrante, qui risque gros. Il est assisté par une autre échevine qui doit toute sa carrière, nationale et municipale, à la bourgmestre sortante. „Comme une chienne de compagnie“, m’a expliqué un candidat de ce parti l’autre jour …

Mais le plus intéressant, et c’est pourquoi je tiens expressément à féliciter le DP, c’est que les répercussions de cette guerre fratricide sont restées sous le tapis et donc inconnues du grand public, presse comprise, à moins que cette dernière soit complice.

Pour vous confirmer la véridicité de ces affirmations, sachez que ma source d’information vient directement du cœur même de l’exécutif municipal, mais pas du partenaire de coalition, qui, lui, se régale …

Affaire à suivre!

Le partenaire de coalition, le CSV de la VdL

Justement, parlons-en! Après le face-à-face télévisé de la bourgmestre avec son premier échevin (quelle idée nulle du point de vue journalistique, comme si on décidait d’opposer le Grand-Duc à son épouse pour parler des affaires du Palais!), il est clair que les deux camps ont décidé depuis longtemps, si possible, de rempiler pour six années supplémentaires. Cela me rappelle les années 80 et 90 où cette même coalition était favorisée par la (même) bourgmestre, car à l’époque les dinosaures du CSV étaient aussi malléables que leurs successeurs d’aujourd’hui. Pourquoi aller chercher des emmerdes avec des socialistes ou des Verts alors qu’avec les cléricaux ça marche tellement bien, vu que ces derniers n’ont aucune colonne vertébrale politique, hochent tellement bien, verticalement, de la tête, qu’ils sont dociles, disent toujours oui, sans rechigner, bouffant avec un appétit impressionnant toutes les couleuvres.

On l’a vu encore récemment avec un conseiller communal du CSV, apparemment un défroqué, qui ne cesse de se positionner avec les tendances classiques de ces derniers: pleurer toujours sur le sort des pauvres, des mendiants et des infortunés, et qui, lorsqu’il s’agit de s’opposer aux mesures envisagées au conseil communal où il siège, consistant à déclarer la guerre aux mendiants, les emmerder et les pourchasser, voilà qu’il n’a même pas le courage de s’abstenir ou plus à l’occasion d’un vote ad hoc de l’assemblée communale. Un opportuniste de la pire espèce, mais dans la lignée de ses colistiers adeptes du double discours et de l’opportunisme à tout va. Depuis des semaines il ne cesse de promener des groupes de personnes, âgées certes, mais tous électeurs, tous blancs, pour leur montrer les atouts de la VdL et pour les convaincre à voter … pour lui. Fichtre!

On peut parier que la coalition actuelle sera reconduite et qu’elle va préfigurer une coalition identique sur le plan national, à condition de rassembler en octobre 31 sièges à la Chambre des députés. Sinon on aura recours aux Verts dont l’opportunisme permettra de jouer le rôle de cautère sur une jambe de bois, prêts à tous les tournements et reniements pour rester au pouvoir. On s’y habitue tellement vite, notamment aux voitures de fonction, n’est-ce pas? Délicieux, qui l’aurait cru? Mais cela fait déjà une éternité que François, au pied levé, a remplacé Fränz …

Serge Wilmes (CSV), Lydie Polfer (DP), Patrick Goldschmidt (DP)
Serge Wilmes (CSV), Lydie Polfer (DP), Patrick Goldschmidt (DP) Photo: Editpress/Fabrizio Pizzolante

Drôles d’histoires de campagne

Il se passe de drôles d’histoires au cours de la campagne électorale à laquelle nous assistons actuellement. Avez-vous noté l’affichage sauvage qui est utilisé par quasi tous les partis et, surtout, la technique de fixer des affiches sur, notamment, des poteaux électriques ou autres, grâce à un système de fixation avec des bouts de ficelle en plastique. Tout le monde les utilise, dorénavant.

Retour en arrière: en 1993, pour les élections municipales, nous avions utilisé le même système, importé de France, où il était monnaie courante. Anecdote: à l’occasion de la Braderie de la VdL en septembre, nous étions trois (Dulli, Nicky et le soussigné) à passer toute une nuit pour „décorer“ tous les poteaux de la Grand-rue et alentours de nos affiches, utilisant déjà le système de fixation évoqué. À 5 heures du matin, travail accompli, nous sommes rentrés à la maison, le temps de prendre une douche et de revenir. À 8 heures, à notre retour, quelle ne fut pas notre stupéfaction de constater que sur ordre de la bourgmestre, des ouvriers de la municipalité avaient enlevé toutes nos affiches, pour des raisons de protection de l’environnement.
Aujourd’hui, ce même système est généralisé et même le parti de la bourgmestre l’a entretemps adopté sans rechigner. Morale de l’histoire: en politique comme ailleurs, il ne faut jamais avoir raison trop tôt …

Le nouveau gadget, la police municipale

C’est la surenchère en matière de sécurité publique. Qui donne plus? On a l’impression que nous vivons tous dans le Bronx à New York où la vraie insécurité existe, où meurtres, violences et autres sont du pain quotidien. Du concret. Mais il faut savoir que chez nous l’insécurité ou le sentiment d’insécurité est un filon, une ficelle, un gadget que certains ressortent généralement avant les élections. Le stratagème est le suivant: vous ne cessez de parler dans votre discours en permanence d’insécurité, après cela devient comme un leitmotiv, le sujet s’ancre dans la société. Peu à peu il s’impose, cela devient un élément de langage, on parle de l’insécurité comme d’autres évoquent le mauvais temps ou la météo de la semaine prochaine. C’est fastoche, il faut toujours demander un peu plus que votre voisin et concurrent. Il veut plus de policiers? Demandez une police municipale (dernier jouet à la mode, devenu un vrai gadget!). Il veut armer les agents municipaux? Demandez que chacun puisse détenir une arme chez lui, mais défendu de la sortir en plein air. Vous aurez le droit de flinguer votre conjoint ou votre voisin dont la troche ne vous revient pas? Ok, mais seulement entre quatre murs. À tordre de rire!

Des agents de sécurité de GDL Security en patrouille avec leur chien dans l’avenue de la gare
Des agents de sécurité de GDL Security en patrouille avec leur chien dans l’avenue de la gare Photo: Editpress/Fabrizio Pizzolante

Question: qui sera le premier à demander la réintroduction de la peine de mort? Déjà on se précipite. C’est une course poursuite où seul le premier aura une médaille. À Grevenmacher on songe déjà à rétablir la guillotine et de lui faire faire son travail au beau milieu de la place du Marché, bien visible en permanence, pour faire peur. Le bourreau est déjà en place … ça promet! Voilà l’expression: faire peur. Le stratagème, phénomène étudié par des universitaires français, considère l’élément peur comme un élément essentiel du combat politique d’aujourd’hui et ce pas seulement dans le domaine sécuritaire. D’abord on fait peur, on évoque plein de petits et grands faits divers (ces derniers étant – malheureusement pour certains? – peu nombreux au Luxembourg) on les grossit et, surtout on grossit le trait, et puis on se présente avec des idées ultrasécuritaires comme LA solution à tous les maux. Et la boucle est bouclée.

Voilà pourquoi la semaine dernière un mandataire de l’ADR a demandé que le port d’armes à feu soit autorisé. Il mérite certainement la deuxième médaille d’or des bêtises politiques de l’année. Mais attention: l’année n’est pas encore finie, les élections législatives approchent et on pourra assister à la séquence suivante du film: „Kansas City et Luxembourg, même combat!“ De la police municipale en discussion, parlons-en! Au cours d’une table ronde récente, la vice-présidente du CSV, défenseure ardente d’une police municipale, elle-même traduite par son propre parti (!), avec d’autres, devant la justice, il y a peu, dans le dossier „Frëndeskrees“ de l’ancien et furtif président de ce parti. Finalement elle l’a échappé belle. À l’époque, d’après un quotidien luxembourgeois, il était question „d’emplois fictifs, d’escroquerie, d’usage de faux, d’abus de confiance et de blanchiment et, dans un premier temps, une amende avait été requise contre elle“. Un exemple à suivre? Non merci! Une séquence positive pour la sécurité publique? Que nenni! Finalement elle a été acquittée, mais le bon sens et une certaine humilité auraient dû lui conseiller de rester en deuxième ligne pour tout ce qui concerne les affaires de justice. Certes, il est de notoriété que les délits en col blanc sont moins sévèrement traités que les vols à la tire ou autres pickpockets. Et maintenant elle s’acharne avec d’autres sur les pauvres, les mendiants. Jésus lui a déjà remonté les bretelles, il paraît. L’Église des pauvres, ça ne vous rappelle pas quelque chose?

Voilà pour le cadre général. Dans la discussion qui a suivi au cours de cette table ronde, on lui posait la question de la structure de commandement d’une telle police municipale et on voulait savoir qui donnerait les ordres et qui commanderait une telle police nouvelle. Après quelques bégaiements elle a dû admettre que tel ne pourra pas être un bourgmestre qui n’a ni formation, ni expérience, ni compétences et que, finalement, il faudrait intégrer cette nouvelle police dans la structure de commandement de la police nationale.
Question: pourquoi alors vouloir créer une nouvelle structure si une simple augmentation des effectifs de la police actuelle ferait également l’affaire? Dans une même phrase on peut donc donner l’illusion qu’une nouvelle structure armée serait le nouvel outil passe-partout qui ferait des miracles parce que, maintenant, sous le commandement du bourgmestre, et puis quand il faut fournir les détails sur le fonctionnement éventuel sur le terrain, on reste bouche bée, on doit admettre ses propres contradictions, on reste coi. Et on pratique le retour à la case départ.

Intellectuellement minable, mais peut-être accrocheur chez le citoyen lambda! Qui sait? Mais peu importe. Cette solution miracle est destinée à calmer les clients du café de commerce, les „Humpejangen“, la majorité silencieuse, et l’électorat âgé, très nombreux. Mais aucune réflexion, aucun début d’explication d’un fonctionnement d’une telle structure nouvelle, des paroles d’illusionniste, rien de précis, finalement du blablabla. À la fin on fera comme a fait récemment, avec succès, la bourgmestre de Contern. Il y avait des problèmes de rodéo nocturnes de bolides dans sa commune, elle a appelé la police, ils sont venus, ils ont réglé le problème. Point à la ligne! Un bon conseil: méfiez-vous des candidats qui font des histoires d’insécurité leur cheval de bataille principal, leur crédo politique. Posez-leur des questions sur l’insécurité routière et ses dizaines de morts et ses centaines de blessés annuels, ou de l’insécurité sociale liée aux problèmes de logement! Ils seront moins loquaces.

Dernière preuve d’un double discours qui devient de plus en plus insupportable. Le slogan du CSV nous dit que „la VdL est le meilleur endroit pour vivre“. Si j’ai bien compris leur message, tel est seulement le cas pour les citoyens qui ont le privilège d’habiter sous des conditions de sécurité optimales, par exemple à côté d’un commissariat de police, non? Ne ferait-on pas mieux de transformer lentement mais sûrement, gentrification accélérée oblige, toute la VdL en 16e arrondissement et se débarrasser une fois pour toutes des quartiers comme la Goutte d’Or ou le 18e (bien le bonjour de Paris!)? Avec l’évolution des prix de logement cette tendance devrait s’accélérer au cours des prochaines années. Si tacuisses!

Des programmes précis dans leur imprécision

J’imagine que tous mes lecteurs sont pour les principes qui suivent: plus de mobilité douce, plus de logements abordables, plus de développement durable (un adjectif que je commence à abhorrer), plus de végétalisation, une mobilité des petites distances, une extension des trajets du tramway, un programme contre le réchauffement climatique, plus de transparence, plus de sécurité, et plus et plus et plus …
Le hic, c.-à-d. le nœud de la question, ce n’est pas de le déclamer comme tel, encore faudrait-il préciser quelques détails de la mise en œuvre, de la réalisation concrète de ces jolis principes.

Et c’est là que le mât blesse. Prenons quelques exemples: Les Verts de la VdL sont pour l’extension du réseau du tramway, moi également. Mais moi je suis farouchement opposé au trajet envisagé entre le Grand-Théâtre et Hamilius, susceptible de passer par l’avenue de la Porte neuve et une partie du Parc municipal. Trop cher, une imbécilité en termes de politique des transports, une hérésie au niveau de la conception, une attaque sans pareil contre les vestiges souterrains de la forteresse, un attentat contre un espace vert important du Parc municipal. Restons un moment sur cet exemple précis. Avez-vous remarqué que notamment les Verts nationaux et communaux refusent de prendre clairement position? Il en est de même des autres partis. Si vous en rencontrez quelques-uns, posez-leur la question. En fait ils veulent garder leur carte blanche et refusent de répondre d’une manière précise, ils veulent à tout prix passer le cap des élections pour reprendre ce projet idiot sur le métier. Dès lors ils auront les coudées franches pour faire ce qu’ils voudront, nonobstant les oppositions qui seront balayées, avec un aplomb et un cynisme qui cherchent leur pareil, nonobstant les arguments des autres.

Autre exemple: tout le monde est pour davantage de logements abordables. Excellent! Mais question svp: combien, où, comment, avec qui? Aucune réponse précise, aucun engagement précis, aucun chiffrage précis, aucune enveloppe budgétaire précisée. Dès lors personne ne pourra demander des comptes par après. Mais on se positionne excellemment dans le mainstream. Les détails, c’est pour plus tard. Ai-je besoin de vous donner d’autres précisions?


René Kollwelter est un ancien député et ancien conseiller d’Etat
René Kollwelter est un ancien député et ancien conseiller d’Etat Photo: archives Editpress/Alain Rischard