Festival de Cannes (18)Appropriation et revendication: „Crowrã“ et „Los Colonos“ dans la section „Un certain regard“

Festival de Cannes (18) / Appropriation et revendication: „Crowrã“ et „Los Colonos“ dans la section „Un certain regard“
„Los Colonos“ de Felipe Galvez

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„Crowrã“, réalisé par João Salaviza et Renée Nader Messora et „Los Colonos“ de Felipe Galvez, tous deux sélectionnés dans la section Un Certain Regard, se rejoignent sur le fond de leur thématique globale, celle de l’extermination des peuples indigènes par des capitalistes occidentaux qui se noient dans leur cupidité, mais l’approchent par des perspectives diamétralement opposées.

Si „Los Colonos“ raconte avec extrême brutalité l’histoire de militaires suprémacistes blancs partis en expédition, qui ont pour objectif de clôturer les terres chiliennes accordées au fortuné José Menéndez, dans „Crowrã“, qui se traduit par „Fleur de Buriti“, on suit le destin de Patpro, une petite fille Krahô qui découvre la beauté de ses racines, de sa culture et de ses traditions, mais aussi la persécution perpétuelle que subit son peuple.

La perspective narrative dans le film du couple Salaviza et Nader Messora, où les acteurs se jouent d’ailleurs eux-mêmes, fait l’originalité du film – il s’agit d’en apprendre davantage sur la vie et les croyances d’un peuple autochtone et non de mettre en scène la vision qu’en a une personne blanche. En regardant le film, on s’aventure sur de nouveaux terrains, ce qui nous fait voyager au-delà des frontières de notre esprit et de nos connaissances ainsi que de ce à quoi on a été habitué.

Bien plus qu’un simple récit, le film est un appel à la paix dans le respect de l’environnement, presque un manifeste pour l’amour et l’écologie et une critique du mode de vie occidental qui s’éloigne de l’essence de notre existence. Étant très proches de la nature, les Krahô considèrent la Terre comme sacrée et leur plus grande menace est l’intérêt des capitalistes blancs, portraiturés comme des êtres vicieux qui veulent s’emparer des terres vierges pour les exploiter sans se soucier de la planète.

„Crowrã“ de João Salaviza et Renée Nader Messora
„Crowrã“ de João Salaviza et Renée Nader Messora

La spiritualité et la proximité de la nature du peuple Krahô sont illustrées par les couleurs mates, les effets visuels et les plans assez statiques qui donnent un puissant sentiment de calme et de sérénité. Ainsi, alors que le film est peu rythmé, il offre une immersion dans la grande famille que sont les Krahô et réussit à maintenir l’attention de son spectateur du début à la fin.

Quant à „Los Colonos“, le film est divisé en deux grandes parties, dont la première, qui permet de situer l’action, se caractérise par une lenteur pesante, alors que la deuxième serait plutôt un survol, tel un résumé qui explique les causes de la situation. Cette lenteur s’accompagne d’une grande violence banalisée dont résulte par conséquent un effet répétitif dont on se lasse rapidement. L’action se déroule de manière plutôt conventionnelle et laisse à désirer en ce qui concerne son individualité.

Si Felipe Galvez met en avant la férocité inhumaine et les atrocités commises par les colons, qui tuent sans merci les indigènes tout comme les leurs, il parvient également à montrer des émotions profondes, telles que la haine et la douleur ressentie par les victimes des colons en donnant beaucoup d’importance à la capture des regards. En effet, à plusieurs reprises, des gros plans nous font plonger par les yeux dans le cœur des personnages qui, eux, jouent d’une façon froide, mais pourtant extrêmement éloquente pour ce qui est des regards et des expressions faciales.

Bien que le message fondamental des deux œuvres soit semblable, le récit paisible et particulièrement authentique de „Crowrã“ lui donne une voie peu typique et rompt ainsi avec la narration classique, ce qui contraste avec l’approche de „Los Colonos“, qui utilise continuellement la violence comme élément accrocheur.


Apprendre à dire non: „How to have sex“ de Molly Manning Walker

Avec „How to have sex“ de Molly Manning Walker (vainqueur dans la catégorie Un Certain Regard) se pose la question si une personne dispose librement de sa volonté sous la pression sociale, en mettant en scène une jeunesse qui ne cherche que l’excès et ne sait se conduire que de manière déraisonnable.

„How to have sex” commence in medias res avec trois adolescentes à peine sorties du lycée, ayant la soif de découverte et qui se retrouvent à Malia dans le but de faire la fête, de nouvelles expériences, mais surtout de perdre leur virginité le plus rapidement possible. Le titre, une phrase pleine d’ingénuité, se réfère donc, surtout, à l’envie de conquérir des terrains inconnus. Par une représentation stigmatisante et maladroite d’une naïveté, voire d’une bêtise qui découlent de la curiosité de la jeunesse, le film aborde un sujet pourtant important qui est celui de la liberté de décider, liberté qui peut être entravée par l’influence d’un groupe.

Tara (Mia McKenna-Bruce), l’une des trois copines, s’embarque par manque d’expérience de vie dans des situations qui lui semblent à priori amusantes et sans danger, mais se voit emportée dans un tourbillon dont elle n’arrive plus à sortir par peur de se faire rejeter si elle ose dire non. De cette façon, Manning Walker aborde un sujet certes très sérieux, mais déjà surexploité – celui de jeunes femmes ayant peur de s’imposer et, par conséquent, continuant à subir.

C’est avec une vivacité et une énergie particulièrement dynamique que Mia McKenna-Bruce, Enva Lewis et Lara Peake incarnent les trois amies. Même si leurs interprétations peuvent paraître surjouées par moments, leurs tempéraments remuants face à la caméra correspondent complètement aux personnages principaux.

Pour un film ayant comme objectif de faire passer un discours d’encouragement envers les personnes qui se sont déjà retrouvées dos au mur pour les mêmes raisons, il tombe trop dans les lieux communs en se servant d’une réduction des jeunes à des animaux en chaleur sans esprit critique ou capacité de remise en question.