LeserforumLettre ouverte signée par un collectif de citoyens de la Gare

Leserforum / Lettre ouverte signée par un collectif de citoyens de la Gare
 Foto: Editpress/Julien Garroy

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Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les députés,

Cette lettre ouverte est l’expression du désarroi d’habitants et commerçants du quartier de Luxembourg-Gare face à la montée ininterrompue du trafic et de la consommation de drogue.

Si les statistiques — alarmantes — issues des rapports annuels de la police nationale parlent d’elles-mêmes avec une multiplication par quatre en 15 ans des faits délictueux liés aux stupéfiants, leur part dans la délinquance passant de moins de 5% à près de 12% de 2006 à 2021, elles ne montrent pas le quotidien des habitants et commerçants qui sont confrontés à cette criminalité. Le soir, c’est le ballet des vendeurs et des consommateurs de drogue qui occupent l’espace, utilisant de façon systématique les entrées pour se livrer à leur „commerce“. Tout ceci se fait au mépris de commerçants qui trouvent le matin ces entrées dans un état de saleté repoussant qui parfois verse dans l’insalubrité absolue et des habitants qui hésitent à entrer ou sortir de chez eux passé une certaine heure. Et comment inviter des amis ou la famille dans ces conditions? Désespérés par cette situation, ceux qui le peuvent, cherchent tout simplement à quitter – ou plutôt à fuir – le quartier au plus vite.

La poursuite du statu quo en essayant de calmer le désespoir des habitants et commerçants par des mesures cosmétiques et ponctuelles ne serait qu’une politique inaudible, insignifiante, inefficace. Certes le passage de travailleurs sociaux libère temporairement les entrées occupées par dealers et consommateurs, réduisant cependant les habitants à les appeler pour être escortés de chez eux: une situation indigne d’une démocratie moderne.

Pour comprendre où ce manque d’action au fond nous mène, observons la dégradation des conditions de vie chez notre voisin français, en particulier à Paris où depuis des années la situation est devenue incontrôlable dans plusieurs arrondissements (et pas seulement la fameuse „colline du crack“).

Quelles pistes et solutions peut-on envisager?

Multiplier les „salles de shoot“?

Si elles permettent aux toxicomanes de se livrer à leur addiction dans de bonnes conditions de sécurité sanitaire, elles ont démontré leur inefficacité, au Luxembourg et à l’étranger, pour endiguer le développement du trafic. La présence d’une „salle de shoot“ en ville, fréquentée quotidiennement par 130 à près de 200 toxicomanes au cours des cinq dernières années, d’après les rapports d’activité du ministère de la Santé, n’a ainsi eu aucun impact positif sur la dégradation des conditions de vie des habitants et la croissance alarmante du trafic et de la consommation de drogue comme le soulignent les statistiques mentionnées plus haut. De surcroît, elles deviennent souvent des zones de commerce pour les dealers.

N’oublions pas et occupons-nous de la misère humaine, ceux qui méritent des soins pour essayer de les libérer de cette dépendance mortifère – souvent due à un accident de la vie –, mais par des mesures contraignantes conduisant à une sortie de l’addiction et non à son seul accompagnement, car il faut assister des personnes en danger.

Libéraliser la consommation de drogue?

La libéralisation de la consommation des drogues dites „douces“, dont les ravages sur la santé sont réels, offre non seulement une porte d’entrée à la consommation de drogues dites „dures“ mais conduit aussi au renforcement des organisations criminelles en tout genre.

Les Pays-Bas et la Belgique, pionniers en la matière, sont devenus les proies de la tristement célèbre „Mocro Maffia“: qu’il s’agisse de l’assassinat du journaliste d’investigation Peter de Vries, des dangers que court le Premier Ministre Mark Rutte, menacé par le crime organisé comme le rapportait le quotidien Le Monde le 14 octobre dernier, mais aussi le projet d’enlèvement du ministre de la Justice belge, Vincent Van Quickenborne et la princesse héritière des Pays-Bas qui est désormais placée sous protection renforcée. Imaginez vous-même ou la famille grand-ducale dans la même situation! Le crime organisé n’a pas de limite.

Avoir laissé s’installer puis prospérer cette délinquance funeste par laxisme ou déni de réalité aura des effets néfastes sur la société luxembourgeoise si des mesures fortes ne sont pas mises en œuvre rapidement: le renoncement est une lâcheté et une faute qui se traduit par une montée en puissance de la criminalité. La drogue est un fléau qui menace directement la démocratie.

Cibler l’offre et la demande

La seule solution pérenne et réaliste consiste en une démarche ferme et coordonnée entre le législateur, la justice, la police et les services fiscaux. Pour les consommateurs „festifs“ et les dealers – la main du régalien ne doit pas trembler et doit donc réprimer plus systématiquement et sévèrement cette calamité: c’est le rôle du législateur et de l’Etat que vous représentez et si le droit est inadapté, il faut le modifier. Les solutions existent pour lutter contre ce „business“ en ciblant à la fois l’offre et la demande: contrôles constants – et donc moyens de police accrus; arrestations systématiquement suivies de procédures judiciaires avec une réponse pénale ferme; exécution de peines à impact réel, amendes dissuasives accompagnées de travaux d’intérêt général pour les consommateurs et prison ferme pour les trafiquants; renforcement de la surveillance des circuits susceptibles de „blanchir“ l’argent de la drogue; généralisation des enquêtes fiscales sur le patrimoine et les ressources des dealers avec confiscation automatique de leurs avoirs en l’absence de la justification d’une provenance licite – frapper au portefeuille est toujours efficace. En une phrase, il s’agit de rendre l’environnement invivable pour les délinquants. Toutes ces mesures peuvent être mises en place rapidement – il ne s’agit que de volonté politique.

Les habitants et commerçants lancent un véritable cri de désespoir afin d’obtenir des réponses durables à un problème réel – et pas un simple „sentiment“ d’insécurité – qui se répand et se densifie.

Cessons les mesurettes, emplâtres sur une jambe de bois, qui ne résolvent rien au fond, repoussant les solutions pérennes à plus tard, toujours plus tard, toujours trop tard, car pendant tout ce temps les citoyens subissent et la situation s’aggrave.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames, Messieurs les députés, l’expression de notre très haute considération.

Les habitants et commerçants de la Gare

(NDLR: la lettre a été signée par 143 personnes, dont les noms sont connus de la rédaction.)

Phil
27. April 2023 - 7.11

BRAVO!