FranceSurprise: Sophie Binet succède à Philippe Martinez à la tête de la CGT

France / Surprise: Sophie Binet succède à Philippe Martinez à la tête de la CGT
Sophie Binet a été élue à la surprise générale comme nouvelle secrétaire générale de la CGT Photo: Jeff Pachoud/AFP

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

A la surprise générale, Sophie Binet a été élue vendredi au poste que devait statutairement laisser vacant ce samedi le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, figure médiatique et controversée qui dirigeait la confédération depuis 2016. Sa désignation, qui ne correspond ni aux vœux de la direction sortante, ni à ceux de l’aile la plus radicale, a donné lieu à toute une nuit de tractations enflammées. Elle devient la première femme à diriger la CGT.

Le poste, il est vrai, devait normalement échoir à une femme, de toute façon. Car si celle que M. Martinez semblait avoir choisi pour lui succéder, Marie Buisson, secrétaire générale de la fédération de la recherche et de la culture, ne semblait finalement pas la préférée des cadres et militants cégétistes, Céline Verzeletti, co-secrétaire générale de l’Union fédérale des syndicats d’État, faisait figure de challenger très plausible, et cela d’autant plus que sa candidature semblait bénéficier du soutien de fédérations qui pèsent lourd dans l’appareil confédéral, comme celles des cheminots ou de l’énergie.

Mais coup de théâtre vendredi matin à Clermont-Ferrand, ou se tenait le congrès: c’est finalement le nom de Sophie Binet, peu connue du grand public, qui est sorti des urnes lors de la réunion du comité confédéral national après toute une nuit de psychodrame, où le très radical Olivier Mateu, le patron de la CGT des Bouches-du-Rhône, n’avait pu lui non plus s’imposer.

Âgée de 41 ans, la nouvelle secrétaire générale présidait jusqu’à présent l’Union des ingénieurs, cadres et techniciens de la confédération, autrement dit une branche sensiblement moins influente que les fédérations ouvrières. Membre de l’équipe sortante, où elle était chargée du dossier de l’égalité femmes-hommes, Mme Binet a fait des études de philosophie, a appartenu jadis au syndicat étudiant de l’UNEF, puis a été conseillère principale d’éducation dans différents lycées, tout en s’impliquant beaucoup dans la branche la plus contestataire de la CGT. Si certains, à l’intérieur de son syndicat, la trouve parfois trop individualiste, elle y est tout de même généralement jugée „brillante“ et „rassembleuse“.

Un syndicat fort divisé

Cette dernière vertu présumée ne lui sera pas superflue dans l’exercice de sa nouvelle mission: la CGT dont elle hérite est aujourd’hui fort divisée. Et cela alors que cette confédération, fondée en 1895, avait dans l’ensemble fait preuve, au cours de sa déjà longue histoire, d’un esprit unitaire fort – plus fort en tout cas que ses rivales. Longtemps très proche du PCF, dont elle passait même pour une „courroie de transmission“, conformément à la prescription léniniste, elle a souffert, ces dernières décennies, de plusieurs crises.

Il y a d’abord eu, bien sûr, l’effondrement du communisme, soviétique en 1991, mais aussi français, dès les années Mitterrand. De manière à peu près concomitante, la CFDT l’a peu à peu supplantée au rang de première confédération syndicale, au fur et à mesure que la gauche de l’Hexagone se tournait bien plus vers la sociale-démocratie que vers les „lendemains qui chantent“ du militantisme révolutionnaire.

S’y sont ajoutées des querelles internes. De personnes: l’un de ses secrétaires généraux, Thierry Lepaon, a ainsi dû démissionner à la suite d’une controverse immobilière. De ligne, aussi: Bernard Thibault allait se voir reprocher d’être trop réformiste, et trop favorable au dialogue avec les gouvernements „bourgeois“, alors que SUD était en pleine surenchère sur la gauche de la CGT.

La retraite de „Pépito“

Laquelle est devenue, sinon une organisation „comme les autres“, du moins plus proche du fonctionnement classique des syndicats et des partis. Ce congrès de Clermont-Ferrand, avec ses discussions de couloirs, ses intrigues et sa surprise finale, en aura d’ailleurs été un signe éclatant. Depuis la victoire de Mme Binet, la grande question que l’on se pose est de savoir si son élection est susceptible de modifier l’unité et la stratégie de l’intersyndicale dans la campagne contre la réforme des retraites.

On se demandait en particulier si la CGT se joindrait aux autres centrales pour rencontrer Mme Borne à Matignon mercredi, en réponse à l’invitation de la première ministre. Et cela d’autant plus que Philippe Martinez, battu en quelque sorte par candidate interposée, s’y était montré favorable. Non sans habileté, Sophie Binet a répondu „oui“ elle aussi, tout en précisant que ce serait pour y exiger l’annulation du report de 62 à 64 ans de l’âge normal de la retraite.

Nulle offense, donc, pour son prédécesseur, qui prend ce matin sa retraite. Hasard ou nécessité? Philippe Martinez, souvent dit „Pépito“ à la CGT, a exactement 62 ans ce samedi 1er avril …