ForumLa Ville de Luxembourg a (aussi) un rôle à jouer dans la lutte contre la pauvreté

Forum / La Ville de Luxembourg a (aussi) un rôle à jouer dans la lutte contre la pauvreté
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Le risque de tomber dans la pauvreté augmente au Luxembourg et ce malgré un produit intérieur brut par tête des plus importants au monde. D’après les chiffres récents d’Eurostat, la part de la population luxembourgeoise risquant de basculer dans la pauvreté est plus élevée que dans les pays voisins. La proportion d’enfants menacés par la pauvreté ou l’exclusion sociale atteint par ailleurs des niveaux alarmants au Luxembourg, puisque près de 30 pourcent des moins de 16 ans sont concernés.

Cela représente presque 120 mille personnes au Luxembourg qui vivent en dessous du seuil de risque de pauvreté1. Ce phénomène s’explique en partie par le haut niveau de revenu médian utilisé pour déterminer le taux de pauvreté (actuellement le risque de pauvreté est défini par un revenu disponible inférieur à 60 pourcent du revenu médian). Par ailleurs, comme l’indique la Chambre des Salariés (CSL) dans son „Panorama social“, si le Grand-Duché est le pays de la zone euro pour lequel le taux de risque de pauvreté avant tout transfert est le troisième le plus élevé (47,4%), les transferts sociaux et les pensions diminuent ce risque de 30 points de pourcentage.

La pauvreté touche néanmoins un nombre croissant de personnes, génère à son tour des inégalités dans les domaines de l’éducation et de la santé et de ce fait „… engage la conscience de la société tout entière2“.

Le constat d’une dérive inégalitaire persistante vaut également pour la population de la capitale. Dans son premier rapport, l’Observatoire social de la Ville de Luxembourg conclut que 11.243 personnes (soit 22% de l’ensemble des salariés de la capitale) vivent en-dessous du seuil de pauvreté avec un salaire moyen de 705 euros/mois (il s’agit de revenus bruts hors transferts sociaux et aides).

L’Office social de la Ville de Luxembourg indique par ailleurs une augmentation de près de 22 pourcent des demandeurs d’aide en 2021. 2.988 ménages étaient concernés. Après les demandes concernant des difficultés financières passagères, la problématique du logement a, sans surprise, prévalue.

La ville de Luxembourg a une responsabilité politique et morale de s’attaquer prioritairement à la cause principale de l’augmentation du risque de pauvreté, à savoir la pénurie de logements décents. Beaucoup de familles habitent dans des habitations insalubres, voire dangereuses et se retrouvent à la merci de propriétaires parfois peu scrupuleux qui profitent de la situation tendue sur le marché national.

Les socialistes de la Ville de Luxembourg proposent dès lors que la commune investisse massivement dans l’achat et la construction de logements. Une telle politique volontariste constituerait par ailleurs un soutien financier appréciable au secteur de la construction, actuellement confronté aux difficultés liées à la hausse des taux d’intérêts et à la diminution consécutive des crédits hypothécaires.

Investir au moins le double

A ce jour, la commune la plus riche du pays dispose en tout et pour tout de 737 logements. D’après le recensement de l’Observatoire social de la Ville de Luxembourg, réalisé auprès des bailleurs sociaux rencontrés, la Ville compte, tous acteurs confondus (Fonds du Logement, SNHBM, Caritas, Croix-rouge, etc.), 1.697 logements sociaux en 2021, soit 0,016 logement social par habitant. A titre de comparaison, ce taux est de 0,1 logement social par habitant à Thionville et 0,13 logement social par habitant à Metz. Selon les estimations de l’Observatoire, les logements sociaux représentent 3,2 pourcent de l’ensemble des logements à Luxembourg-ville, un chiffre peu élevé par rapport à la moyenne européenne, qui est de 9 pourcent.

Au lieu de n’investir qu’une trentaine de millions d’euros par année, comme le fait actuellement le Conseil échevinal, la Ville de Luxembourg, qui dispose de plus d’un milliard d’euros de réserve, devrait investir au moins le double (dans leur programme électoral, les „Stater Sozialisten“ proposent d’investir et de dépenser chaque année 100 millions d’euros) pour garantir une offre adéquate de logements abordables à ces citoyens dans le besoin.

Un tel investissement dans le parc immobilier de la Ville de Luxembourg est particulièrement opportun à un moment où moins de logements se trouvent en planification et feront défaut à l’avenir pour être mis en location. En outre, la commune devrait promouvoir de manière conséquente la construction de nouveaux logements sur des terrains du programme „Baulücken“, et s’attaquer sérieusement à la lutte contre l’affectation de logements en bureaux. La priorité devrait être de pallier le manque de logements sociaux. Il s’agit, ni plus ni moins, de „matérialiser“ la notion de droit au logement.

La lutte contre la pauvreté suppose également l’emploi d’autres instruments, à côté des mesures de soutien au logement, afin de mettre en place une réelle politique sociale communale. Ainsi, parallèlement à des transferts sociaux sélectifs, il serait temps de réfléchir à des programmes de soutien aux familles, tels que par exemple les „family learning programs“ mis en place dans certaines villes de pays anglo-saxons et qui permettent de briser le cercle vicieux de la pauvreté.

La lutte contre la pauvreté et les inégalités n’est donc pas aujourd’hui une question de charité, mais bien de justice sociale. La commune devrait poursuivre une politique active de prévention et de lutte contre la pauvreté. Cette ambition suppose un étroit travail de coopération et de coordination entre les différents acteurs sociaux, mais également entre les services compétents de la commune.

Victor Hugo a dit à propos de la pauvreté que „les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli“.

* En tant que membres du LSAP, les auteur(e)s sont engagé(e)s au niveau communal de la ville de Luxembourg. Maxime Miltgen (présidente des Femmes socialistes) et Gabriel Boisante (membre du conseil communal) sont les têtes de liste des „Stater Sozialisten“ pour les élections communales le 11 juin 2023. Mélanie Troian et Luc Decker sont co-président(e)s des „Stater Sozialisten“, Gil Goebbels en est membre du comité.

1Chiffre issu du dernier Rapport „Travail et Cohésion sociale“ du STATEC

2Extrait du discours de Victor Hugo „Détruire la misère“ devant l’Assemblée nationale législative le 9 juillet 1830