Danse „Empire of a Faun Imaginary“: un parfum de confinement

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„Empire of a Faun Imaginary“, une pièce pour quatre interprètes (Tasha Hess-Neustadt, Eevi Kinnunen, Hannah Parsons et Lewys Holt) Photo: Marco Pavone

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Le Théâtre d’Esch accueille les trois premières représentations du nouveau spectacle de son artiste associée, la chorégraphe Simone Mousset. „Empire of a Faun Imaginary“ célèbre le potentiel de l’imagination pour échapper au vide et à la répétition.

La dernière création de Simone Mousset présentée en première ce soir au théâtre d’Esch est une œuvre collective, tant dans le nombre de personnes dont la chorégraphe s’est entourée que l’étendue des partenaires français et anglais (en plus du 3C-L et du Théâtre d’Esch pour le Luxembourg) qui ont soutenu la création et l’accueilleront en 2023. L’origine du projet remonte à plus de deux ans, en période de confinement. „Empire of a Faun Imaginary“ est né de l’impression de vide ressentie par la chorégraphe lors de ses balades en forêt de Neudorf baignées par un silence assourdissant.

Le titre s’est rapidement imposé à elle, comme une ébauche de programme. D’un côté, l’empire inspire l’oppression, la force brutale qui ne s’arrête jamais. „Je voulais la juxtaposer à une couleur de l’ordre du rêve, quelque chose qui n’existe pas“, explique la chorégraphe. Je me demandais ce que ce serait si un faune, créature mythique de rêverie, devenait maître du monde.“ Dans ses recherches, elle a d’ailleurs aussi rencontré Pan, le dieu le plus longtemps vénéré dans l’histoire de l’humanité. Ce dieu de notre relation au sauvage, en et autour de nous, a une voix qui a les mêmes propriétés que notre époque: elle est capable de beauté comme d’horreur.  

„Comme une claustrophobie“

Pour donner corps sur scène à ces émotions personnelles, Simone Mousset a voulu s’entourer de spécialistes, à commencer par la scénographe et costumière, Lydia Sonderegger, avec laquelle des échanges de dessins ont marqué le prélude à la collaboration intense à venir, pour „construire un monde très spécifique“. La chorégraphe voulait aussi avec cette pièce pousser bien plus loin son exploration de l’usage de la voix dans la danse. Il y en avait toujours eu des éléments dans ses précédents spectacles, souvent sous forme de textes chantés. „La voix fait partie du corps, elle donne une dimension encore plus grande du corps dans l’espace“, explique la directrice artistique du projet. „Je voulais voir ce que cela faisait si je n’utilisais pas de texte.“ La voix était un sujet si important que le casting s’est principalement concentré sur les capacités vocales des danseurs et que le compositeur Jamie McCarthy a été engagé comme coach vocal pour améliorer les performances des trois danseuses et du danseur.

La voix fait partie du corps, elle donne une dimension encore plus grande du corps dans l’espace

Simone Mousset, chorégraphe

Pour concrétiser ses idées, Simone Mousset a pris aussi le risque de se flanquer d’un collaborateur artistique, Neil Callaghan et d’une dramaturge, Lou Scope. Avec le premier, „pendant une année, „nous avons parlé et creusé ensemble pour trouver l’atmosphère de quelque chose qui est incompréhensible, très vide, très poétique et, en même temps, il y a le désir de crier pour déchirer ce silence.“ La seconde l’a plutôt aidée à identifier les thématiques concrètes issues d’émotions et d’images. Elle l’a aussi encouragée à poser ces dernières sur papier sous la forme d’une nouvelle.

Cette nouvelle raconte le bouleversement vécu par quatre faunes qui vivent dans une clairière sur une autre planète, lorsque les lignes droites qui font leur quotidien commencent à ne plus être droites. „Les choses perdent leur valeur d’un jour à l’autre et, soudainement, on a l’impression que rien n’a de sens“, observe la chorégraphe. La métaphore a bien évidemment un lien intime avec ce que Simone Mousset a vécu lors du confinement. „On est sur une route en tant qu’humanité, et en tant qu’individu. On avance, il faut toujours avancer et on ne s’arrête pas. En tant qu’individu, il faut chaque jour, continuer. Il y a comme une claustrophobie de cette continuation, qu’on ne peut pas arrêter, et en même temps la peur que tout s’arrête.“ C’est de cette contradiction que naissent d’ailleurs les envies de cris et l’attention portée à la voix dans le spectacle.

„Comme un arbre“

„Mon approche au travail a maturé en avançant. Elle consiste désormais à consacrer davantage de temps au processus de création et à considérer ce dernier comme un travail d’apprentissage pour moi-même“, poursuit la chorégraphe. C’est dans cet esprit qu’elle a consulté, en différents moments stratégiques de la création, le musicologue Macon Holt, sans qu’il ait eu à venir en studio, pour évoquer avec lui les thèmes de la pièce et se laisser influencer par son avis. „Le processus de création est comme un arbre, avec différentes branches et différentes feuilles qui empruntent différentes directions, et qui n’ont pas toutes la même utilité, mais qui font que cet arbre est massif.“ De tous ces différents regards, ces „couleurs“, Simone Mousset compose ce qu’elle appelle „un parfum“ qui donne à la pièce son caractère nuancé.

Mais la pièce est aussi guidée par des influences extérieures. Elle évoque notamment l’opéra „Mediensinfonie“ d’un compositeur russe assez obscur, Youri Khanon. A la fin de cette pièce, une lamentation chantée revient en boucle avec différentes variations: „ô que la route est longue, on est fatigués et on avance toujours“. Les ballets russes influencent d’ailleurs aussi, bien que plus indirectement, „Empire of a Faun Imaginary“. La mention du faune évoque d’ailleurs invariablement dans la tête de l’amateur de danse „L’après-midi d’un faune“ de Nijinski. Ça ne trouble pas Simone Mousset. „Les ballets russes sont une grande inspiration pour moi, pour la façon dont ils travaillaient avec les différentes disciplines présentes sur scène et donnaient de la place à la scénographie, à la musique, aux artistes qui ne sont pas de la danse“, confie-t-elle. 

Infos

„Empire of a Faun Imaginary“ de Simone Mousset. Aujourd’hui et demain à 20 h, dimanche à 17 h au Théâtre d’Esch. Durée: 60 minutes.