FranceEntre Macron et le cabinet McKinsey, un douteux échange de „bons procédés“?

France / Entre Macron et le cabinet McKinsey, un douteux échange de „bons procédés“?
Le président français Emmanuel Macron vendredi lors d’une réunion avec des travailleurs de la Justice au palais de justice de Dijon Photo: AFP

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

On a appris que le Parquet national financier (PNF) avait ouvert le mois dernier deux informations visant la gestion des comptes des campagnes présidentielles de 2017 et 2022 d’Emmanuel Macron. Plus précisément, la justice soupçonne des salariés du cabinet de conseil McKinsey d’avoir travaillé de manière faussement bénévole pour la campagne, cabinet qui a ensuite bénéficié de contrats de la part du gouvernement.

En mars déjà, un rapport du Sénat avait dénoncé „le phénomène tentaculaire“ que constituait selon la Haute-Assemblée le recours par l’Etat à des cabinets de conseil privés depuis l’entrée en fonction d’Emmanuel Macron. Les principales interrogations des sénateurs portaient sur le cabinet américain McKinsey, avec lequel un contrat de 12,3 millions d’euros avait été signé pendant la crise sanitaire liée au Covid-19, et un autre de 3,88 millions d’euros pour gérer la mise en œuvre de la réforme des aides personnalisées au logement. Des sommes, il est vrai, modestes par rapport tant au budget de l’Etat qu’au chiffre d’affaires de ce cabinet; mais le phénomène avait tout de même choqué l’opinion dans un contexte où l’administration française passe pour pléthorique …

Le problème est que la justice, saisie par de nombreuses associations, y compris syndicales, et par différentes personnalités, dont des élus, soupçonne désormais que ces contrats aient été la contrepartie du travail fourni par les équipes de McKinsey à l’occasion de ces deux campagnes présidentielles. Il semble en effet qu’une dizaine de salariés de ce cabinet aient travaillé bénévolement pour élaborer le programme du candidat avant le scrutin en 2017.

Des bénévoles, vraiment?

Cela n’aurait rien d’illégal, à condition qu’ils l’aient fait à titre personnel et bénévole. Mais ce travail pourrait avoir été effectué par le cabinet de conseil lui-même, ces salariés étant affectés à des tâches de campagne bien précises durant leur temps de travail. Ce qui constitue une infraction visant à minorer les dépenses de campagne, si l’on considère – ce qui reste évidemment à démontrer – que les contrats signés ensuite avec McKinsey constituaient en réalité une rémunération inavouée.

C’est bien pourquoi la seconde information judiciaire ouverte par le PNF concerne un possible „favoritisme“, autrement dit une éventuelle contrepartie accordée sur le budget de l’Etat pour le travail „bénévole“ (dans ce cas, les guillemets s’imposeraient en effet!) réalisé par les équipes de McKinsey.

Et cela d’autant plus que ledit parquet avait aussi ouvert, en mars, une enquête préliminaire sur un possible „blanchiment aggravé de fraude fiscale“ de la part du cabinet McKinsey, soupçonné de ne pas avoir payé d’impôts en France pendant dix ans, de 2011 à 2020, grâce à un système d’optimisation fiscale. Si des éléments pouvant concerner les autres procédures sont révélés, ils seront ajoutés au dossier.

„J’ai appris par la presse …“

Emmanuel Macron a-t-il beaucoup à craindre de ces enquêtes? Matériellement et dans l’immédiat, rien n’est moins sûr, du fait de l’immunité absolue dont il bénéficie aussi longtemps qu’il exerce la présidence de la République. Sa mise en cause judiciaire ne pourrait formellement intervenir qu’à la fin de son second septennat, en juin 2027. Et lui-même s’emploie à afficher une parfaite sérénité, comme il l’a fait dès vendredi lors d’un déplacement à Dijon.

„J’ai appris par la presse que des associations et des élus avaient saisi la justice, c’est normal que la justice fasse librement son travail“, a déclaré M. Macron, ajoutant: „Il peut parfois y avoir des problèmes dans les comptes de campagne, mais les miens ont été regardés comme pour tous les candidats de 2017. Les choses se feront normalement avec sérénité et transparence pour 2022.“ Le problème étant qu’il ne s’agit pas de refaire les additions des comptes de campagne, mais de tenir compte – s’il y a lieu – d’un fait nouveau et éventuellement grave …

Quant à son ministre des Finances, Bruno Le Maire, il a reconnu que le recours à des cabinets de conseil privés avait pu être, en effet, abusif – mais en se gardant bien d’évoquer ni leur possible intervention dans la campagne présidentielle du locataire actuel de l’Elysée, ni leur éventuelle récompense. Il n’empêche: si ce genre d’affaire ne tombe évidemment jamais bien, celle-ci pouvait difficilement plus mal tomber, pour l’exécutif et son chef, que dans le climat actuel.