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Le Nation Branding doit permettre à la marque Luxembourg de changer son image. Dans ce cadre, il faut aussi réécrire l’histoire de la marque ...

Le Nation Branding doit permettre à la marque Luxembourg de changer son image. Dans ce cadre, il faut aussi réécrire l’histoire de la marque – de manière positive et consensuelle, bien entendu, pour ne pas effrayer la clientèle. L’avantage de l’histoire marketing est qu’elle permet de recycler l’histoire-à-papa. En témoigne la brochure A propos … de l’histoire du Luxembourg, disponible sur le site du gouvernement.

De Vincent Artuso

Vincent Artuso

Ceux qui regardent la télévision française connaissent Stéphane Plaza, le présentateur de „Maison à vendre“. Cette émission a un déroulement bien établi. Tout d’abord, le téléspectateur découvre un pavillon quelconque de l’Ile-de-France périurbaine. Malgré la bonne vingtaine de visites, il n’y a toujours pas d’acheteur en vue. Intervient ensuite Plaza qui, d’un ton jovial mais professionnel, démontre au propriétaire que sa maison est moche et ringarde.

Le présentateur plein d’empathie constate toutefois rapidement que l’état catastrophique des lieux trouve son explication dans quelque blessure profonde: un deuil jamais vraiment fait ou une séparation douloureuse. Bref, les soi-disant accidents de la vie ont tendance à défigurer le quotidien. Qu’à cela ne tienne, il n’y a aucune misère qui ne puisse être cachée. La décoratrice d’intérieur fait alors son apparition et apporte la solution: le homestaging.

Le homestaging, qu’est-ce que c’est?

Le homestaging, c’est l’art de métamorphoser son vieil appartement sans charme en l’un de ces lofts que l’on voit dans les magazines de décoration. Pas forcément les magazines qui donnent le ton, mais ceux qui démocratisent la tendance d’avant-hier, la rendent consensuelle et désirable pour le plus grand nombre. Le homestaging, c’est l’art de formater un produit. Ça existe aussi pour les Etats mais ici on parle plutôt de Nation Branding.

En 2013, notre gouvernement décida que le temps était venu de changer la déco du pays. Le succès de la place financière rendait nos voisins jaloux et leur malveillance commençait à nuire à la marque Luxembourg. Le vieux slogan „Nous voulons rester ce que nous sommes“ était, par exemple, complètement dépassé et fut remplacé par un truc plus accrocheur: „Luxembourg, let’s make it happen“ – „Luxembourg, just do it“ et „Luxembourg, yes we can“ étaient déjà pris.

Les policiers ont reçu des uniformes tout neufs et l’histoire a été réécrite pour être plus en phase avec l’image qu’une économie veut donner d’elle-même: ouverture, dynamisme, fiabilité. On en trouve un petit avant-goût sur le site Inspiring Luxembourg, sur lequel on peut notamment lire ceci:

„Mais qui est le Luxembourg? Pendant des siècles, il a été le théâtre et l’enjeu de luttes incessantes entre puissants européens […] Il s’est trouvé au cœur d’influences culturelles multiples dues à la géographie, certes, mais aussi aux échanges commerciaux, aux épopées industrielles, à l’immigration […] Pauvre et vidé par l’émigration à la fin du XIXe siècle, c’est aujourd’hui l’un des pays les plus attractifs au monde pour y travailler et vivre, un véritable laboratoire sociétal … Le Luxembourg ne laisse pas indifférent. Car sa place dans le concert des nations est particulière: pionnier des alliances économiques et des partenariats, médiateur modeste et persévérant, patrie où le monde se sent chez lui …“1)

Sous la peinture fraîche, on reconnaît ses vieux meubles

On retrouve exactement les mêmes éléments de langage dans la nouvelle brochure, A propos… de l’histoire du Luxembourg, disponible sur le site du gouvernement en version française, allemande ou anglaise.2) De prime abord, il semblerait que les aspects les plus embarrassants de l’histoire-à-papa – déterminisme historique, fixation sur les chronologies dynastiques, ethnocentrisme borné – soient absents de cette publication officielle. L’une des 24 pages est même consacrée à la remise en question du mythe des dominations étrangères.

Mais le problème du homestaging c’est que, de loin, le résultat a l’air moderne et élégant mais dès qu’on se rapproche on reconnaît ses vieux meubles sous la peinture fraîche. Il en est de même ici. Lorsqu’on gratte un peu la surface de l’histoire-marketing, les bons vieux récits édifiants réapparaissent. Ainsi il n’est plus explicitement affirmé que la nation luxembourgeoise est née en 963 mais c’est pourtant bien par l’acquisition du rocher du Bock par le comte Siegfried que commence la narration.

Certains mythes de l’historiographie völkisch sont également recyclés, en premier lieu celui de l’exode massif des Luxembourgeois vers les Etats-Unis au 19e siècle. Par le passé, l’utilité de cet épisode était de rappeler la tragédie en deux actes du peuple luxembourgeois qui, d’abord vidé de sa substance par la perte de tant de ses enfants, avait de surcroît dû accueillir des milliers d’étrangers avec l’essor de l’industrie sidérurgique. Aujourd’hui il est opportunément présenté comme un exemple des échanges mutuels qui ont toujours eu lieu entre le Luxembourg et le reste du monde …

„Entre 1841 et 1891, environ 72.000 Luxembourgeois s’expatrient (sur une population totale qui atteint 212.800 habitants en 1891).“ En lisant un tel passage on pourrait avoir l’impression que le Luxembourg a subi une véritable hémorragie. Pourtant Fernand Fehlen vient justement de démontrer, dans le dernier numéro de la revue d’histoire luxembourgeoise Hémecht, que cette démonstration repose sur trois grosses erreurs:
Premièrement, ce ne sont pas 72.000 Luxembourgeois mais 72.000 habitants du Luxembourg qui sont partis ailleurs. Il y avait parmi eux aussi des étrangers.

Deuxièmement, l’impression donnée que le Grand-Duché aurait perdu un quart de sa population repose sur une présentation fallacieuse. Le nombre d’émigrants sur un demi-siècle est comparé au nombre d’habitants d’une seule et unique année. Lorsqu’on étudie en revanche les chiffres de l’émigration année après année on obtient des pourcentages à la fois plus modestes et plus réalistes. Ainsi, durant l’année 1888, pourtant marquée par des départs exceptionnellement nombreux, seul 0,5% de la population émigra. Troisièmement, la majorité des émigrants ne s’installèrent pas outre-Atlantique mais en France.3) L’oncle d’Amérique vivait en réalité à Volmerange-les-Mines.

Une histoire bien-être qui ordonne et rassure

Le vieux récit national et le nouveau storytelling institutionnel se rejoignent dans leur volonté de gommer tout ce qui pourrait susciter la polémique. Il faut vendre une histoire bien-être qui ordonne et rassure. Il n’est donc pas étonnant que les avancées les plus récentes de la recherche sur la Deuxième Guerre mondiale ont été complètement ignorées. Visiblement l’occupation ne commence qu’avec l’arrivée du Gauleiter allemand Gustav Simon, ce qui s’est passé entre début et fin juillet 1940, on l’ignore. Cela permet de passer sous silence l’existence de la Commission administrative, ce gouvernement de fait qui voulait collaborer avec le Troisième Reich.

D’ailleurs, au sujet de la collaboration, on ne trouve qu’une seule phrase: „Si le phénomène de la collaboration pendant l’occupation a existé, la majorité de la population fait cependant preuve d’une remarquable cohésion nationale.“ On peut saluer le bel effort consistant à admettre que le phénomène de la collaboration a existé – cette évidence a été niée pendant des décennies –, on peut aussi regretter qu’il ne serve au final qu’à conforter de vieilles fables.

Quant à la persécution des juifs, elle est abordée de la manière suivante: „La communauté juive a particulièrement souffert du régime nazi. Sur les 3.900 Juifs résidant au Grand-Duché avant la guerre, 1.300 sont morts, victimes de la Shoah.“ Voilà, c’est concis, pas compliqué. On ne peut pas dire que ce soit faux et en même temps ça permet de ne pas s’appesantir sur la Volksdeutsche Bewegung (VdB) et la servilité de certains fonctionnaires luxembourgeois.

Enfin, la naissance et le développement de la place financière sont, eux aussi, abordés avec beaucoup de pudeur et de retenue. La mutation la plus profonde et la plus cruciale de notre histoire récente, celle sans laquelle il n’est possible de comprendre aucun aspect du Luxembourg contemporain, est traitée en un seul paragraphe – alors même que les fadaises sur l’exode vers l’Amérique ont droit à une page complète.

L’important est visiblement d’interdire tout débat, parce que les débats c’est mauvais, ça implique toujours l’existence d’au moins deux avis et ça, ça porte à confusion. En plus, pendant un débat, les gens s’affrontent et ça, c’est pas positif. Ce qui est positif, c’est d’écrire des choses gentilles sur son patron, comme cette phrase, qu’on trouve vers la fin de la brochure: „De Joseph Bech (1887-1975) à Xavier Bettel (né en 1973), les hommes politiques luxembourgeois excellent dans le rôle d’intermédiaire lors de négociations européennes.“ Ce qui est positif, c’est le site où on voit pleins de jeunes gens ouverts, dynamiques et sûrement très fiables, qui ne débattent pas et ne râlent pas. Un pays où règnent le dynamisme et la pensée unique? Let’s make it happen!

 

 

Nomi
20. Januar 2018 - 17.46

Ordnung an Propretei't am Land wir ee besseren Push fir Nation Branding wei' all dei'er Pub Kampagne !!!!!