Afghanistan: la mort des 3 humanitaires, symbole d’une situation critique

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La mort de trois humanitaires canadiennes et américaine, tuées mercredi dans une embuscade à moins de 50 km de Kaboul, illustre la situation de plus en plus critique dans laquelle se trouvent les ONG en Afghanistan, contraintes de réduire leur rayon d'action.

La mort de trois humanitaires canadiennes et américaine, tuées mercredi dans une embuscade à moins de 50 km de Kaboul, illustre la situation de plus en plus critique dans laquelle se trouvent les ONG en Afghanistan, contraintes de réduire leur rayon d’action. Les trois femmes et leur chauffeur afghan ont été criblés de balles à bout portant par un groupe de talibans, qui ont affirmé que leur attaque visait „un convoi militaire de femmes soldats“. Les deux véhicules tout-terrain arboraient pourtant de manière visible le logo de l’organisation humanitaire qui employait les victimes, International Rescue Committee (IRC), selon les policiers arrivés sur les lieux après l’attaque.
IRC a aussitôt annoncé la suspension de ses activités en Afghanistan, une décision que plusieurs organisations étudient sérieusement. „Sans aller jusqu’à cesser leurs activités, beaucoup d’ONG ne peuvent tout simplement plus en faire autant qu’elles voudraient, leur champ d’action se rétrécit sans cesse dans le pays“, explique Anja de Beer, responsable d’ACBAR, l’agence de coordination de l’aide à l‘Afghanistan, „Dans le sud et le sud-est, la menace vient des éléments anti-gouvernementaux. Pour eux, les humanitaires sont des cibles faciles. Dans le nord, ce sont des groupes criminels, attirés par l’appât du gain, d’une rançon par exemple“, poursuit-elle. En conséquence, les expatriés de la plupart des organisations humanitaires ne quittent Kaboul que pour de courtes visites, ce qui rend plus difficile l’évaluation des programmes, souligne Anja de Beer. Quand au personnel local, il évite de transporter papiers et crayons, preuve qu’ils sont alphabétisés suscitant des soupçons de connivence avec l’étranger, et se laisse pousser la barbe… A Herat, la grande ville de l’ouest du pays, épargnée par l’insurrection mais pas par une activité criminelle de plus en plus intense, les ONG déplorent également les restrictions d’accès à la population. „Notre activité se limitent à la seule ville d’Herat. L’insécurité nous empêche d’aller ne serait-ce qu’à 10 km en dehors de la ville. Comme nous ne pouvons pas dépenser les fonds dont nous disposons pour louer des gardes armés, nous ne pouvons aider les gens qui vivent dans des zones éloignées“, regrette Mohammad Asghar Yawar, responsable de l’ONG espagnole ACAF pour l’ouest de l‘Afghanistan.
L’insécurité s’étend dans toutes les provinces du pays. Deux expatriés français d’Action contre le Faim (ACF) ont été enlevés pendant deux semaines en juillet, à leur domicile, par des hommes armés qui ont ligoté leurs gardes, dans la province de Day Kundi, en plein centre du pays, jusqu’alors épargnée par les attaques.
Elle touche bien sûr d’abord les civils afghans: plus de 1.000 d’entre eux ont été tués depuis le début de l’année, selon l’ACBAR. Les forces de sécurité afghanes ne sont pas en reste: 600 policiers ont péri dans des attaques au cours des seuls quatre derniers mois, selon le ministère de l’Intérieur. Pour leur part, les ONG ont perdu 23 de leurs membres, des Afghans en grande majorité, depuis le début de l’année, soit plus qu’au cours de toute l’année 2007.
Certains humanitaires dénoncent d’ailleurs la confusion qui règne dans l’aide au développement: tout le monde fait de l’aide humanitaire en Afghanistan, y compris et même surtout les diverses armées déployées, dans le cadre des „équipes de reconstruction provinciales“. Fin mai, le président de Médecins du Monde (MDM), Pierre Micheletti, avait critiqué „la confusion des genres“ entre militaire et humanitaire qui crée „un nouveau facteur de risque pour le personnel des ONG, en particulier local“. De plus en plus, l’appel une nouvelle fois exprimé mercredi par le représentant spécial des Nations Unies en Afghanistan, Kai Eide, demandant à „toutes les parties impliquées“ de „reconnaître et respecter la neutralité et l’indépendance de l’assistance humanitaire“, ressemble à un voeu pieux.