Luxembourg pays du vélo?

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Une image vaut mille mots. A regarder les affiches pour les élections communales, il faudrait remanier ce dicton: une image contredit mille mots. Nous avons entendu et lu beaucoup de mots ces derniers mois concernant la mobilité durable ou douce. Le Luxembourg, pays du vélo, nous a-t-on répété. Une autre mobilité est un thème important dans tous les programmes électoraux pour les élections communales.

Mais, alors que, chez (presque) tous les partis, les mots accordent une place centrale au vélo dans le trafic, les affiches nous montrent autre chose. L’affiche la plus drôle, involontairement drôle, est celle du parti chrétien-social. On y voit un vélo pour femme, apposé à un arbre, comme si la propriétaire l’avait oublié en pleine nature. La belle bicyclette au bois dormant. Même sur les affiches des Verts, les promoteurs historiques du vélo, on aperçoit certes des cyclistes, mais le moyen de transport reste pour les loisirs en famille, la mère avec les enfants, et est utilisé dans un espace vert.

Des slogans électoraux nous promettent un avenir où nous pourrons nous rendre partout au Luxembourg en train, en bus, en tram, en vélo, mais les représentations sont encore au stade de la première loi sur les pistes cyclables de 1999, il y a presque 20 ans: le vélo comme activité de loisir.

La belle bicyclette au bois dormant

Les affiches électorales de 2017 illustrent le commentaire des articles de la loi de 1999: «Sans négliger le vélo comme moyen de transport et la création d’un réseau national bien structuré de pistes cyclables comme une amélioration de l’infrastructure des voies de communication publiques, les vocations principales du nouveau réseau sont la récréation et la promotion du cyclotourisme. C’est dans cette perspective que cet article prévoit l’intégration dans le réseau national d’embranchements vers des sites particuliers tels que des zones de repos ou des attractions touristiques (lac, château, lieu de vestiges, etc.) (…).» Vive le vélo-tourisme. Dans l’exposé des motifs, on souligne encore et encore que la bicyclette ne doit pas entrer en conflit avec «les autres acteurs de la circulation». A vous de deviner de quel acteur il peut bien s’agir …
Voilà le discours en 1999, alors que depuis une quinzaine d’années déjà des organisations militaient pour une autre mobilité. En 1984 a lieu la première manif pour le vélo du Mouvement écologique à Luxembourg-ville. L’année suivante est fondée la Lëtzebuerger Vëlosinitiativ (LVI).

Au même moment est lancé dans les Länder allemands le programme «Fahrradfreundliche Städte». Les premiers congrès Velo-City sont organisés dès les années 1990. Sans parler des évolutions dans les Pays-Bas, paradis du vélo. Les mesures à prendre sur le chemin de villes accueillantes pour la mobilité douce étaient déjà connues à l’époque: amélioration massive et création de nouvelles pistes cyclables dans les campagnes et dans les villes, des pistes bien visibles, une signalétique systématique, l’ouverture des rues à sens unique, des parkings à vélos, le développement du bike & ride système dans les trains et les bus, davantage de budget, une administration distincte, des campagnes de sensibilisation permanentes, etc.

Il est consternant de voir le peu de chemin réalisé après 1999 au Luxembourg dans ces domaines. Juste une statistique. En 1999, le pays disposait d’un réseau de 360 km de pistes cyclables. La loi prévoyait 600 km de plus. En 2015, lorsque la loi actuelle sur le réseau national des pistes cyclables et la promotion de la mobilité douce est entrée en vigueur, juste 250 km étaient venus s’ajouter. Lorsque le ministre François Bausch présenta en octobre 2015 le plan de développement des pistes cyclables à la presse, devant passer de 613 à 1.400 km, il annonça 33 km supplémentaire d’ici fin 2015. Deux ans plus tard, nous apprenons grâce à une question parlementaire que de 2015 à mai 2017, 10,9 km supplémentaires ont été construits, 30,8 km sont en cours de construction et 66,4 km en cours de planification détaillée. Il convient d’ajouter que les pistes cyclables, surtout dans le sud du pays, sont en partie dans un état si lamentable que la LVI a p.ex. rayé le tracé Pétange-Differdange-Belval de la piste cyclable 8 (Terres Rouges) dans l’édition 2017 de sa carte du réseau national.

La révolution copernicienne de la mobilité

Il n’en reste pas moins que la loi de 2015, votée à l’unanimité des voix, représente une révolution copernicienne dans l’approche de la mobilité au Luxembourg et rompt avec la logique des années 1990: «Le réseau de 1999 en tant que tel cible essentiellement un usage du vélo à des fins sportives, touristiques, voire écologiques. Aujourd’hui cet objectif ne correspond plus à l’image du vélo. La Stratégie pour une mobilité durable a montré que d’un côté, 40% des trajets quotidiens sont inférieurs à 3 km, alors que de l’autre côté le Luxembourg détient le record européen de l’utilisation de la voiture individuelle avec une part de 60% sur des trajets compris entre 0 et 1 km.»

L’objectif est désormais double: une infrastructure sûre et attractive pour le cyclotourisme national et international et pour le vélo au quotidien (travail, école). Les pistes cyclables doivent investir l’espace urbain et non seulement les campagnes, avec l’obligation de desservir les écoles, les villes, les gares, les zones où se concentre l’emploi (Luxembourg-ville, Région Sud, Nordstad, Bettembourg-Dudelange). Les communes sont subventionnées par l’Etat tout en étant clairement mises devant leur responsabilité pour le réseau communal. Le nouveau gouvernement a (enfin) créé deux divisions qui se consacrent à la mobilité douce au sein du ministère du Développement durable et des Infrastructures, l’une pour la «planification de la mobilité» au Département des transports et l’autre pour la «mobilité durable» à l’Administration des ponts et chaussées. Le budget a plus que triplé depuis 2012.

Mais le quotidien de celui qui prend ou veut prendre aujourd’hui le vélo pour se rendre au travail ou à l’école reste frustrant. D’ici 2018, 30,8 km supplémentaires seront, peut-être, achevés parmi les 300 km en phase de planification. Dans l’espace urbain, on garde l’impression que le vélo peine à s’imposer dans notre paradis de l’automobile. D’où l’analyse suivante de Jürgen Stoldt et Ben Manet dans le numéro spécial consacré par la revue Forum au vélo en juin 2017:
«Um ihre unbeugsamen Autofahrer nicht zu verschrecken, arbeiten sich Stadt und Land nur im Schneckentempo ins 21. Jahrhundert vor und auch nur dort, wo zwar mit viel Geld, aber ohne Konflikte Resultate zu erreichen sind: in Form von hängenden Fahrradwegen, 70 Meter hohen, freistehenden Aufzügen, speziell fürs Fahrrad errichtete Brücken über die Täler, zusätzliche Fahrradwege entlang der Festungsmauern …»

Comme dans d’autres localités, ma commune a dépensé beaucoup d’argent pour construire une prestigieuse piste pour cyclistes et piétons, plus précisément à Belvaux, dans la Waassertrap. Une allée bordée de gabions de 500 mètres à côté du Parc Belval, qui devrait continuer en direction d’Esch-sur-Alzette. Ce n’est pas le coût qui me dérange. L’Etat dépense au moins autant sinon plus pour des ronds-points. Le problème c’est qu’aucun responsable politique ou fonctionnaire n’a pu m’expliquer quel serait le tracé de cette piste vers Esch et quand elle sera construite. Car, pour se rendre de vélo à Esch en passant par Raemerich ou Belval, il faudra bien enlever de l’espace à notre chère voiture individuelle.

Lorsque je me rends en vélo de course ou en e-bike de Belval à Luxembourg à la bibliothèque, aux archives ou à la radio 100,7 au Kirchberg (environ 25 km), je suis obligé d’emprunter un mélange de pistes cyclables, de petites routes, de routes principales, de trottoirs. Aux endroits critiques comme la route des Trois Cantons, l’entrée de la ville à Hollerich ou le quartier de la gare – si j’opte pour le bike & ride – je mets ma sécurité dans le trafic, donc ma vie, en danger.

Pour doter le pays d’une infrastructure sûre et attractive pour le vélo au quotidien, pour relever le défi lancé par la loi de 2015, qui n’est rien d’autre que d’améliorer la qualité de vie dans ce pays, il faut beaucoup plus que des slogans électoraux. Il faut réveiller dans nos têtes la belle bicyclette au bois dormant. Il faut de la volonté et du courage politiques. Des responsables politiques qui ont la gnaque, comme on dit au foot.

En attendant, pour me rendre de Belval à Luxembourg, j’ai échangé la bicyclette avec une Vespa. Des routes adaptées et sûres existent déjà aujourd’hui pour ce moyen de transport. Le vélo, je le prends après le boulot et le week-end. En bon citoyen du pays de Charly Gaul et d’Andy Schleck. Et du Luxembourg pays du vélo.

Denis Scuto

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