Désordre

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Vers la trumpisation de nos sociétés

Certes Angela Merkel a reçu François Fillon. Ce qu’elle avait jadis refusé à François Hollande à la demande de Nicolas Sarkozy. Une erreur d’appréciation, puisque la chancelière devait s’entendre bien mieux avec le socialiste qu’avec son bouillonnant prédécesseur. Pourtant, et même si Merkel-Fillon partagent une position commune sur les déficits budgétaires européens, Alain Juppé, dixit plusieurs chercheurs-politologues, aurait été davantage „Merkelo-compatible“. Notamment à propos des sanctions contre la Russie et les rapports avec Vladimir Poutine. A fortiori à un moment où la chancelière doit faire face à un nouveau front de fait de l’élection de Donald Trump. Etre en opposition frontale avec deux puissants de ce monde paraît difficile, y compris pour Angela Merkel et l’Allemagne. Celle qui pouvait se prévaloir d’être la dame de fer qui dirigeait l’UE se retrouve désormais isolée, les équilibres et rapports de force internationaux étant en train d’évoluer à vitesse grand V.

Qu’on ne se fasse guère d’illusions: Donald J. Trump a dit ce qu’il ferait et il fait ce qu’il dit. Au grand dam de ses ministres, voire même du Congrès. Que ce dernier présidé par le puissant Paul Ryan le contrôlerait rapidement est tout sauf une certitude. Car le milliardaire américain n’est pas et ne sera pas un homme politique: il restera un businessman qui gérera son pays comme une entreprise. A moins qu’il ne fasse faillite en cours de route. Le marketing a fait sa fortune et lui a permis de gagner la Maison Blanche. Cet art de vendre du vent le guidera pour tout acte de sa présidence. Les recettes sont connues: diabolisation des médias „menteurs“, „mensonges“ des adversaires politiques, efforts maximaux pour créer un climat de tension et intensifier le clivage de la société américaine, discours de xénophobie soft (difficile à condamner pénalement), démagogie politique et populisme savamment entretenu à l’heure du café du commerce digital.

Des accords commerciaux dénoncés? Evidemment. America first.
Des murs construits? Americans first.
Un pipeline à travers le pays? Des milliers d’emplois.
Obamacare suspendu? Qui travaille peut se payer une assurance-santé.
Qui croit en cela? Les élites si décriées? Bien sûr que non.

Les supports sont pour beaucoup des gens simples qui souffrent, sont au chômage, ont des logements précaires, et ceux-là veulent croire que le rêve américain va renaître de ses cendres. Sauf qu’au 20e siècle, les aspirants Rockefeller ne courent pas les rues dans les Etats pauvres et désindustrialisés des Etats-Unis. New York et la Trump Tower n’ont rien en commun avec le fin fond de l’Iowa, de l’Ohio ou même du Texas. Le monde imaginé par Trump est un univers dans lequel les aspirations d’hier (s’unir pour être fort ensemble) ne valent plus rien. Ce sera celui du repli, de la régionalisation, du chacun pour soi. Si l’Israël de Netanyahu écrase les Palestiniens et les méprise jusqu’au dernier de leurs droits, tant pis. Si le climat avec Pékin se gâtera de jour en jour, tant pis. Et si les Européens ne bénéficient plus du parapluie atlantiste de Washington, tant pis, car de toute façon les Etats-membres de l’UE font fausse route, l’Europe ne mérite aucune considération et les Européens sont une espèce décadente. Trump pourra-t-il tenir jusqu’au bout ou réalisera-t-il que l’univers, au quotidien, est plus complexe, plus difficile à cerner qu’un tweet envoyé à la va-vite?

L’Histoire en rendra compte.

Il faut admettre que le „mainstream“ des médias occidentaux, la triche diplomatique et la politique exigée par des lobbies économiques hyper gloutons et avides, ne contribuent guère à une élévation de l’esprit du citoyen lambda. Les réseaux sociaux sont le témoin du terrible simplificateur au jour le jour.
Le monde vers lequel nous allons n’est ni beau ni bon. Il est cependant l’expression du désarroi des peuples qui croient vaincre leurs angoisses et le chaos ambiant en s’opposant pour sauver des acquis factices, car visiblement construits sur le matérialisme. Leur âme, retrouvée au terme des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, est une fois encore, passée par pertes et profits.

Combien de dégâts faudra-t-il avant que le balancier ne revienne en arrière?

dfonck@tageblatt.lu