/ Avec le feu et la forme - MC Solar à la Rockhal
De Franck Colotte
La visière vissée vers la cinquantaine, Claude Honoré M’Barali, alias „MC Solaar“, poète des mots, des rythmes et des ambiances, s’est produit à la „Rockhal“ le 12 décembre dernier, avec danseurs et choristes, devant un public nourri et désireux de renouer avec un artiste devenu rare ces dernières années. Et qui a interprété une panoplie diverse et variée de titres récents ou tirés d’albums de ses débuts – et qui constitue une sorte de narration musicale à travers laquelle il se livre, dit le monde et nous interpelle.
À bientôt cinquante ans, MC Solaar est aussi ardent, sensuel et solaire qu’à ses débuts. Il enchante, emballe, embarque non seulement grâce à des titres devenus des classiques du répertoire du rap français comme „Bouge de là“ (thème des rencontres maladroites ou malencontreuses) ou „Caroline“ (thème de la déception sentimentale) issus de son premier album intitulé „Qui sème le vent récolte le tempo“ (1991), mais encore à morceaux tirés de son huitième opus, „Géopoétique“: „Sonotone“ (revisitation du mythe faustien de la jeunesse éternelle), „L’attrape-nigaud“ (mise en garde contre la musique trap, ralentie et automatisée) ou „J.A.Z.Z – Kiffez l’âme“ (définition de ce style musical qui fait vibrer l’âme et l’apaise – interprété avec la talentueuse Maureen Angot à la voix féline).
Dans une atmosphère d’adhésion totale, MC Solaar a non seulement émerveillé par ses textes – qui font en effet vibrer et qui nous racontent des histoires à la fois individuelles et collectives, mais a montré que les années de silence se sont révélées être un temps de maturation propice au questionnement et à la prise de recul. À l’instar de l’écrivain français Gustave Flaubert (né un 12 décembre!), ce pionnier du rap français (ayant adapté la chanson française à texte au hip-hop américain), sort un opus en moyenne tous les trois quatre ans, construisant progressivement un cheminement, une œuvre qui, construite sur ce qu’on appelle en allemand le „Narrativ“ (narration qui donne du sens, qui véhicule des valeurs et des émotions), offre désormais au public une sorte de voyage immobile à travers les mots et les situations de vie qu’il met en scène et poétise.
Itinérances musicales et mémorielles
MC Solaar est un conteur moderne mettant en mots et en notes les fables musicalisées qu’il nous donne à entendre et à voir. Il s’interroge, nous questionne, remet en question nombre de nos représentations. Son arme de combat (et en même temps sa marque de fabrique), ce n’est pas le discours moral ni même le rire (didactique), mais la performance verbale (quasi littéraire) et rythmée porteuse d’une narration qui dit son monde et le nôtre. MC Solaar parle à présent des ravages des années, et de l’impact négatif de la société sur les jeunes gens. Se glissant dans la peau d’un „djeun“ pur et innocent, il constate (avec amertume ?) qu’il ne s’intègrera qu’en parlant „de drogue, de pin-up et d’alcool“.
Les temps changent, mais son public reste – et ce malgré certaines critiques pointant l’autocélébration à laquelle il se livre et l’absence de second degré. Celui qui est entré dans la mémoire de la chanson française, continue à fasciner, autant que le feu (thème fréquent dans ses chansons) fascine l’Homme, comme l’a montré le philosophe Bachelard, pour qui „tout ce qui change vite s’explique par le feu“.
Sans forcer le trait, Mc Solaar illustre bien cette maxime. Symboliquement, ce fils d’un traducteur et d’une infirmière pour qui „tout a commencé là-bas dans la ville qu’on appelle Maisons-Alfort“ et qui estimait „qu’on devient journaliste quand on devient rappeur“ réapprend à parler (c’est la définition du rap qu’il préfère), se veut un passeur entre son monde et le nôtre, et finalement accouche musicalement nos esprits et nos émotions. MC Solaar, qui représente une explosion synesthésique, une mosaïque de mots, une itinérance de mémoire, a conclu son concert par une chanson remerciant le public. Qu’il soit à son tour remercié de nous transmettre un feu qui réchauffe et réconforte. „ça c’est soleil“!
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