PortraitSimone Beck: Toute une histoire

Portrait / Simone Beck: Toute une histoire
Le patrimoine n’est pas une cloche de verre mise sur une ville Photo: Editpress/Isabella Finzi

Jetzt weiterlesen! !

Für 0,59 € können Sie diesen Artikel erwerben.

Sie sind bereits Kunde?

Pour Simone Beck, présidente de la Commission luxembourgeoise pour la coopération avec l’Unesco, la culture, c’est un bouillon aux salvatrices vertus. Itinéraire pro et intime.

Elle marche, Simone Beck. C’est toujours à pied qu’elle arpente sa ville natale, Luxembourg; c’est toujours un pied devant l’autre qu’elle découvre les grandes villes. Mais toute citadine qu’elle est, se défendant farouchement d’avoir les doigts verts, Simone n’a d’yeux que pour les montagnes: elles sont le décor privilégié de ses pèlerinages et transhumances – „j’adore la région de l’Engadine, j’ai un banc là, au bord du lac de Sils et de la demeure de Nietzsche“ – en même temps qu’un mode à penser et à agir, „celui qui déplace une montagne commence par déplacer les petites pierres“ (Confucius).

Alors, sur son chemin, Simone Beck n’en finit pas de semer des cailloux blancs et de prendre soin de toutes les pierres de l’édifice … culturel: un engagement dans lequel elle baigne et qui la construit depuis l’enfance.

Petite fille, Simone – aînée d’une fratrie de quatre enfants –, rêvait de devenir chirurgienne. Mais voilà, une formation traditionnelle en lettres et un livre de dessins de Léonard de Vinci reçu à sa communion ont décidé autrement du cours de sa vie: au final, sa trajectoire est celle d’une historienne, professeure d’histoire, de latin et d’allemand, promue présidente de la Commission luxembourgeoise pour la coopération avec l’Unesco depuis 2015, „avec un mandat renouvelé pour quatre ans, jusqu’en 2023“.

Coordination des projets internationaux

Un long fleuve en rien tranquille, balisé par des missions fortes. Simone a ainsi été chargée de la coordination des projets internationaux lors de „Luxembourg capitale européenne de la culture“: „De 1992 à 1996, ce fut une période bénie, on a mis en marche la vie culturelle du pays puisqu’il n’y avait alors ni Philharmonie ni Mudam. Heureusement que nous avons pu avoir recours au Casino, solution initialement vue comme provisoire. Mais comme souvent, le provisoire dure …“ Simone a ensuite pris la direction de l’Institut Pierre Werner, de 1996 à 2003, ensemble avec Françoise Pirovalli pour la France et Claudia Volkmar-Clark pour l’Allemagne: „C’était une structure difficile car les voies décisionnelles des trois pays étaient différentes; je suis contente de la direction unique d’aujourd’hui, qui avec Olivier Frank, fait un travail remarquable.“

Et puis, voilà 2015. Simone qui a toujours représenté le ministère de l’Education nationale à la Commission de l’Unesco est appelée à la présider – un appel parfaitement providentiel. Ce dernier chapitre est en train de s’écrire, il n’a pas l’allure d’une retraite. Et Simone Beck de s’emballer: „L’Unesco, organisation née en 1945 afin d’incarner ,un langage de la paix‘, est la seule agence de l’ONU à travailler avec des commissions nationales. Je suis heureuse des excellentes synergies entre la ,maison mère‘ à Paris et les différents programmes de l’Unesco pour lesquels nous travaillons au Luxembourg. J’ai le privilège de pouvoir travailler avec des collaborateurs engagés et dynamiques pour lesquels les visions et les programmes de l’Unesco sont de première importance.“

Je ne serais pas devenue ce que je suis si … „Si je n’avais pas eu la chance de connaître 95, année culturelle. Et surtout, ou d’abord, si je n’avais pas eu l’exemple de mes parents. De mon père, professionnellement très engagé“ – Henri Beck fut secrétaire général de la Ville de Luxembourg pendant quarante ans (1949-1988), fondateur aussi, en 1979, de „Ons Stad“, magazine arc-bouté sur l’histoire et le développement sociétal de Luxembourg, aujourd’hui coordonné par Simone. „Et de ma mère, Fanny. Qui, malgré ses quatre enfants, n’a jamais cessé de travailler. Elle a toute mon admiration, parce qu’elle était une excellente enseignante et une pâtissière géniale, experte en boules de Berlin“ – un talent que Simone a hérité, quoiqu’elle préfère la pizza à une part de tarte; d’ailleurs, elle adore faire la cuisine pour ses amis qui apprécient particulièrement ses tajines. „Ma mère était très généreuse de cœur et de bourse (déliée pour les œuvres de charité); elle adorait voyager.“ Simone partage la même bougeotte, au Proche-Orient, en Russie; du reste, si la montagne reste son paysage idéal, elle ne boude ni le désert de sable, le Sahara avec son silence et ses lumières, ni une belle terrasse … où boire un pastis.

Il y a du cognac, de la glace aux noisettes et de la framboise – „le fruit comme le schnaps“ – dans la gamme gustative de Simone. Et il y a de l’âme slave dans son horizon où cohabitent crème russe, Saint-Pétersbourg et Dostoïevski.

„Le titre de patrimoine mondial implique certains engagements“

„J’ai grandi dans les livres, c’est un cadeau magnifique“, dit Simone, que l’on retrouve dans le jury du Prix Servais et dont les coups de cœur littéraires croisent Joyce Carol Oates et Stefan Zweig. Moins d’accroche, par contre, pour la littérature contemporaine française. S’il y a bien un domaine qui passionne Simone, c’est le théâtre: „Je fais des introductions pour certaines pièces, au Grand Théâtre, j’adore cet exercice-là, qui consiste à se plonger dans une œuvre, un auteur – allemand, prioritairement – et je le fais depuis 2014; je ne suis pas une comédienne refoulée – j’ai une peur atroce du trou noir – mais la transmission visuelle d’un texte sur une scène, ça, c’est pour moi une révélation.“ Sinon, Simone profite de la pause-déjeuner pour aller au cinéma, quand la salle est déserte – et l’on s’étonnera peu de savoir que Rainer Werner Fassbinder figure parmi ses réalisateurs fétiches.

En fait, rencontrer Simone Beck, c’est d’abord télescoper un large sourire et puis, c’est voir large et c’est effectivement marcher beaucoup. Dans des pas textuels ou musicaux (Simone ne rate aucune Schubertiade) et, bien sûr, au milieu de sites à valeur universelle exceptionnelle, à commencer par les vieux quartiers et fortifications de Luxembourg inscrits au registre du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1994.

Rencontrer Simone Beck, c’est parler de l’importance historique de cette inscription du site luxembourgeois au programme du „Patrimoine mondial de l’humanité“, c’est évoquer ses retombées – „au niveau de l’hôtellerie, des transports en commun et du tourisme: il existe clairement un tourisme Unesco à Luxembourg“ – et c’est aborder sa conservation. „Il faut savoir que le titre de patrimoine mondial implique évidemment certains engagements au niveau conservation et restauration, mais l’Unesco ne s’oppose nullement à l’évolution d’un site, surtout s’il s’agit d’une ville. Afin de coordonner les différentes mesures, un comité de gestion composé des responsables concernés des services de l’Etat et de la Ville de Luxembourg se voit régulièrement pour des échanges des plus constructifs.“

Missions

Mais tout n’est pas dit de l’Unesco dont les missions dépassent largement le seul patrimoine: „Ce n’est que la partie visible de l’iceberg, mais c’est celle qui sensibilise au mieux le public.“ Sinon, en vertu de l’acronyme, il y a le „e“ de „éducation“, le „s“ pour sciences naturelles, sociales, humaines –„avec un gros programme concernant l’eau, le changement climatique, la biosphère“ – et il y a, certes, le „c“ de „culture“ recouvrant entre autres le patrimoine immatériel, dont les chansons, la gastronomie mais aussi „les compétences artisanales, comme la construction en pierres sèches, l’art des cors de chasse, la toponymie“, l’Éimaischen du lundi de Pâques, avec la vente des oiseaux-siffleurs („Péckvillercher“) en terre cuite et la Schueberfouer, en notant que „la première et unique inscription de cette catégorie au registre de l’Unesco, en 2010, c’est la procession dansante d’Echternach“. Le „c“ se penche aussi sur le patrimoine documentaire –  à l’exemple de „The Family of Man“, la légendaire exposition de la photographie humaniste d’après-guerre due à Edward Steichen, installée au château de Clervaux de façon permanente depuis 1994 – et s’inquiète aussi, depuis quinze ans, de communication et d’information, lutte contre les „fake news“ y comprise.

Avec Simone Beck, les mots sont toujours voyageurs, entre „ceux qui chantent sans avoir nécessairement de sens, comme dans ,monbazillac‘, et ceux qui ont des voyelles sombres, sans le ,i‘, comme dans ,Carpentras‘“. Du coup, le seul objet qu’elle sauverait en cas de catastrophe, c’est le plus gros tome de la Pléiade. Si le noir l’habille, la fragrance du chèvrefeuille la fait chavirer, aussi entêtante que la citation de Bertrand Russell, „War does not determine who is right – only who is left“, une citation qui suit Simone comme son ombre, et ses chaussures.

Infos

Au Lëtzebuerg City Museum, 14, rue du Saint-Esprit à  Luxembourg, l’Unesco Visitor Center informe sur les missions de l’Unesco, les origines et l’importance des sites du patrimoine mondial, les caractéristiques du site luxembourgeois et les mesures de préservation et d’intégration au développement urbain. L’entrée est gratuite.
Sur le site www.patrimoinemondial.lu les personnes intéressées peuvent se renseigner sur les nombreuses manifestations et publications prévues dans le cadre du 25e anniversaire de l’inscription de „Luxembourg, vieux quartiers et fortifications“ comme patrimoine mondial de l’Humanité.
Au Cercle Cité, auditorium Beck, conférence le 3 février, à 18.00 h, assurée par Simone Beck et Robert L. Philippart, Unesco site manager. En langue française.
Dans la cour de l’abbaye de Neimënster, installation d’une copie de l’arche de Palmyre: à voir tous les jours jusqu’au 29 février.