Macron joue son va-tout en termes d’ordre public

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Ce samedi doit avoir lieu la 19e journée de protestation des „gilets jaunes“, face à un dispositif considérablement renforcé après les débordements spectaculaires du samedi précédent, lesquels avaient tourné au véritable scandale politique pour le gouvernement. L’armée elle-même, contre la tradition républicaine et pour la première fois depuis la guerre d’Algérie, est mobilisée, même s’il ne s’agit en principe que de libérer d’autres tâches plus statiques des unités de police.

De notre correspondant Bernard Brigouleix, Paris

Emmanuel Macron, qui était rentré furieux de son week-end de ski abrégé par les émeutiers … et les appels au secours de son ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, très sérieusement houspillé le soir-même pour son incapacité patente à gérer la crise (que le président avait lui-même complètement sous-estimée, il est vrai), sait bien qu’il ne peut pas s’offrir un second samedi de violences d’un tel niveau, surtout sous l’œil des caméras de télévision. Et qu’il pourrait bien jouer aujourd’hui son va-tout, en tout cas sur le terrain si sensible du maintien de l’ordre.

C’est pourquoi le dispositif répressif a été nettement durci, après le limogeage du préfet de police et son remplacement par un collègue réputé dur. Pour la première fois depuis le début de la crise, il a été interdit „aux personnes se revendiquant des ,gilets jaunes‘“ de manifester dans certains secteurs de la capitale, à commencer bien sûr par les Champs-Elysées et la place de l’Etoile, mais aussi „sur des portions de cent mètres dans les rues transversales qui y mènent, ainsi que dans le périmètre comprenant la présidence de la République et l’Assemblée nationale“. Un parcours différent, se terminant au Sacré-Cœur, à Montmartre, a cependant été autorisé. Mais quoi qu’il en soit, les forces de police seront encore plus nombreuses que d’habitude, et, cette fois-ci, assure-t-on, opérationnelles.

Mélenchon: „Une escalade mortelle“

Nombreuses, elles devraient même l’être d’autant plus que le bon millier d’hommes chargés de veiller à la protection du palais présidentiel, de l’Assemblée et du Sénat, seront libérés de ces tâches statiques et remplacés par les quelque 3.000 soldats normalement mobilisés pour l’opération Sentinelle, laquelle était déployée depuis 2015 pour lutter contre le terrorisme à Paris et dans ses aéroports. Le pouvoir jure ses grands dieux que ces militaires ne seront pas amenés à participer à la répression; mais leur réaffectation à des tâches de police – privant au passage la capitale de leur vigilance antiterroriste – n’en suscite pas moins une vive émotion en France depuis mercredi.

L’opposition, de gauche comme de droite, a multiplié les réactions critiques. La palme de la virulence revenant, comme souvent, au leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui a notamment déclaré: „De tels propos nourrissent une escalade mortelle, et le gouvernement doit s’expliquer devant la représentation nationale sur une décision aussi aventureuse que périlleuse pour l’unité de la République.“ Des militaires eux-mêmes, en particulier des responsables de l’opération Sentinelle, ont en outre souligné qu’ils n’étaient aucunement formés ni équipés pour les tâches particulières du maintien de l’ordre; et ils se sont interrogés, dans l’éventualité où des manifestants viendraient à s’en prendre malgré leur présence au palais présidentiel ou à d’autres symboles du pouvoir, sur les conditions d’ouverture du feu, hantise de toute troupe militaire, en démocratie, face à une foule déchaînée.

Les „gilets jaunes“ eux-mêmes se sont évidemment émus de cette annonce sur les réseaux sociaux, en y voyant, après les restrictions croissantes à la liberté de manifestation suscitées par l’action des ,Black blocs‘, une nouvelle atteinte aux libertés. „Jamais de la vie un soldat français n’ira tirer sur un civil français sur le sol français, nos militaires sont pour la plupart des enfants de ,gilets jaunes‘“, a voulu croire Maxime Nicolle, l’une des figures du mouvement, dans une vidéo diffusée mercredi. Et de fait, la question de savoir comment réagirait la troupe si l’on venait à lui intimer l’ordre d’ouvrir le feu sur des manifestants, même aussi détestables et provocateurs que les casseurs, revient dans beaucoup de commentaires.

On n’en est certes pas là! Et le discours officiel s’est fait suffisamment menaçant, outre la lassitude et les interrogations des vrais „gilets jaunes“ sur l’avenir, pour que le pouvoir puisse avoir aujourd’hui la bonne surprise de voir les indéfendables (et fort coûteuses) violences des casseurs et l’entrée en scène de l’armée dans le dispositif répressif, réduire beaucoup l’impact de ces manifestations hebdomadaires. Même si, techniquement, un autre risque existe: celui de voir les dégradations, pillages et mises à sac changer tout simplement de quartier, aussi simplement que la Préfecture de police a changé de préfet.