La seconde vie des objets: La réparation, antidote à la surconsommation

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Etiquetage, taxation de la non-réparabilité, réduction de la TVA, les pistes sont nombreuses pour encourager la réparation des biens de consommation. Consommateurs et réparateurs sont pour l’heure encore trop souvent soumis au bon vouloir des fabricants.

De Jérôme Quiqueret

„Je suis désolé, Madame, mais ça je ne fais pas. Je crains qu’il ne vous reste pas d’autre choix que d’en acheter une nouvelle.“ Passionné de réparation, Nicolas Bellion n’est pas du genre à ne pas relever le défi. Mais, sa société RCMPlay installée à Leudelange a renoncé à la réparation d’imprimantes comme celle qu’une cliente, au téléphone, voudrait lui confier.

Coût des pièces est faible

Le coût de la pièce neuve et de la main-d’oeuvre rendent la réparation bien plus chère qu’un remplacement à neuf. Dans ces cas-là, le réparateur peut difficilement lutter. D’autant plus que le remplacement à neuf donne droit à une nouvelle garantie.
Si un objet électronique devait symboliser la société du tout-jetable, ce serait sans aucun doute l’imprimante destinée aux particuliers. Elle n’est pas chère, cassante et souvent soupçonnée d’obsolescence programmée.

Pour la majorité des produits, la réparation en vaut heureusement la peine. Nicolas Bellion peut conter de nombreux sauvetages d’équipements promis à la casse en raison pour un devis du fabricant trop cher. Sur les consoles et les télés, par exemple, une soudure ou un changement de quelques composants, étonnamment vulnérables, peuvent redonner vie à un bien de consommation.

Tout le monde en sort alors gagnant. Le coût des pièces est faible. Le réparateur empoche la main-d’oeuvre. Le client fait des économies et repart avec un bien remis à neuf. Et ce dernier ne vient pas rejoindre la pile des déchets électriques et électroniques. Seul un cinquième d’entre eux est recyclé dans le monde. Pourtant, le développement des réparations fait face à de nombreux obstacles. Le faible nombre de réparateurs indépendants en est un indice.

Une étude en mai 2018 puis plus rien

C’est dans le cadre de la stratégie zéro déchet qui sera présentée à l’automne que le gouvernement devrait indiquer s’il compte donner un coup de pouce à ce secteur indispensable à l’émergence d’une économie circulaire dont il souhaite l’avènement. La réponse laconique opposée aux questions détaillées du député pirate Marc Goergen en février dernier, a fait douter de la réelle volonté d’agir du gouvernement. „La longévité des biens de consommation mérite plus d’attention“, avait tonné l’Union luxembourgeoise des consommateurs (ULC) dans son magazine.

Le Benelux, qui a inscrit la durabilité au coeur de sa mission, entendait pourtant raccrocher le wagon des pionniers de la réparabilité. Une étude parue en mai 2018 constatait que le changement de modèle commercial de fabricants vers la vente de services – et non plus de produits – plaidait pour son développement. Le rapport explorait les pistes pour favoriser les réparations. Et elles sont nombreuses, tant le marché est vicié par de multiples aberrations.

En l’absence d’un véritable droit à la réparation, l’une des plus prometteuses consiste dans l’introduction d’un étiquetage spécial. Sur le modèle de la consommation énergétique, un score de réparabilité du bien de consommation donnerait au consommateur le moyen de choisir, dès la vente, en son âme et conscience.

Durée de vie plus longue

Une étude publiée en 2016 par le Conseil économique et social européen sur la durée d’utilisation des produits laisse facilement imaginer quel serait son choix. 90% des consommateurs se disaient prêts à payer plus pour un bien à la durée de vie plus longue. Et 44% des consommateurs du Benelux étaient prêts à mettre au moins 200 euros en plus pour un lave-vaisselle qui y répond.

Cela semble indiquer que la seule piste annoncée par le gouvernement, en réponse à la question de Marc Goergen, l’abaissement de la TVA du taux normal de 17% au taux superréduit de 3% ne sera pas la panacée. Les critères sur lesquels s’entendent les quelques organes de normalisation étrangers qui réfléchissent à un tel étiquetage décrivent l’étendue des obstacles à surmonter: fourniture d’instructions de démontage, facilité de démontage, accessibilité des outils requis pour remplacer une pièce, aide au diagnostic, utilisation de connexions standardisées et accès garantie à des pièces de rechange.

Plus de pouvoir d’achat, moins de réparation

Un tel étiquetage permettrait au consommateur d’identifier, dès l’achat, les fabricants qui ne jouent pas le jeu. Pour l’heure, il est souvent dépassé et n’observe pas des règles simples, poussé qu’il est à consommer. „Les consommateurs doivent aussi prendre conscience du fait que des produits moins complexes sont en règle générale plus robustes. Le consommateur ne devrait choisir des produits ayant des caractéristiques spécifiques que si elles sont pertinentes pour l’usage qu’il envisage d’en faire“, écrivait notamment l’étude du Benelux.

L’étiquetage a des chances de sensibiliser la population à réadopter une pratique qui ne lui est pas si lointaine. En l’absence de frein pour le rachat d’un équipement, l’intérêt pour la réparation est moindre. Marcel Barros, animateur d’ateliers d’auto-réparation, repair cafés, est bien placé pour le savoir. „Plus il y a de pouvoir d’achat, moins on fait soi-même.“
Pour contourner les difficultés à ouvrir un appareil, serti de vis spéciales, et pour lesquels il faut des tournevis spéciaux, ou à changer une pièce collée à une autre, ce touche-à-tout passe beaucoup de temps sur internet. Il y retrouve les tuyaux d’une importante communauté mobilisés pour contourner les réticences des fabricants à transmettre leurs plans de montage. Le site ifixit est l’un de leurs points de ralliement.

En début de semaine, sous la pression, Apple, connu pour rivaliser d’ingéniosité pour empêcher des réparations hors de son circuit, a annoncé qu’il allait permettre aux réparateurs indépendants d’obtenir une certification qui leur donne accès aux catalogues de pièces d’origine du constructeur. C’est une preuve que les fabricants peuvent encore changer leurs pratiques. A condition qu’on les y incite.