Eloge de la lenteur: Le pain, à l’épreuve du temps présent

Eloge de la lenteur: Le pain, à l’épreuve du temps présent

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Développement du bio, recherche d’authenticité mais aussi de rapidité, le marché du pain est très sensible aux modes de vie et aux goûts.

De Jérôme Quiqueret

Tout comme une librairie doit satisfaire tous les plaisirs linguistiques, une boulangerie luxembourgeoise doit contenter des goûts très variés. „C’est la première chose que j’ai apprise ici. Il n’est pas possible de trouver un pain qui convienne à tout le monde“, explique la directrice des boulangeries Fischer, Carole Muller. „Les goûts sont différents. Notre but est d’avoir une gamme large, dans lequel chacun peut trouver le pain qui lui convient.“

Si les 62 points de vente de l’enseigne dans le pays proposent les mêmes produits, préparés par Panelux à Mensdorf, les volumes écoulés varient en fonction de la clientèle. „Plus on va être proche de la frontière allemande, plus on vendra des pains aux céréales et plus on sera proche de la frontière française, plus on vendra de baguettes.“

Le 1er octobre prochain sera d’ailleurs pour Fischer le jour d’une nouvelle évolution pour répondre aux goûts des consommateurs. Elle ira dans deux directions: plus de bio et plus de céréales. Des références seront sorties pour faire de la place aux pains nordiques, riches en céréales et compacts, mais aussi à des baguettes, pains blancs et de seigle bio. L’apparition du pain de mie sera une conséquence de la croissance de la communauté française dans le pays.

Pour répondre à la tendance au local, Fischer brandit son emploi, depuis 20 ans, d’une farine produit du terroir, issue de blés 100% locaux suivant les principes de l’agriculture raisonnée. Les boulangeries ont à faire avec une concurrence sévère, survenue il y a 20 ans, la vente de produits de boulangerie et de viennoiserie dans les stations essence, venue s’ajouter à la concurrence plus ancienne provenant des supermarchés.

„Les gens veulent la facilité“

La majorité de la population habite à moins de dix minutes de la prochaine station-service. Les stations-essence captent des clients aux heures où les boulangeries aussi sont fermées. Mais elles captent aussi une clientèle plus attentive à son temps qu’à son plaisir gustatif. „Les gens veulent la facilité. Ils n’ont pas de temps. Ils vont aux endroits qui sont sur leur passage. C’est important d’avoir de bons emplacements, d’être là où les personnes sont“, observe Carole Muller. „Ça ne vaut pas la peine de se mettre à l’écart des flux, car les gens ne vont pas forcément faire le chemin, sauf peut-être pour une pâtisserie. Ils vont préférer un endroit pratique, où ils peuvent se garer car le Luxembourg reste un pays très porté sur la voiture.“

Pour accompagner cette évolution, les supermarchés se sont associés à des stations-service. Fischer est pour sa part présent dans deux Autocenters et onze centres commerciaux.

Le développement des salons de thé dans les boulangeries est une conséquence plus positive de la réduction du temps dont disposent les clients, dont les pauses de midi se raccourcissent. C’est aussi le prolongement du plaisir si particulier de se trouver dans une boulangerie. „L’avantage dans une boulangerie est qu’on peut voir les produits, les choisir et les déguster tout de suite“, constate Carole Muller.

Si le temps lui manque, l’envie du consommateur de contrôler ce qu’on mange croît par ailleurs. C’est un argument de poids en faveur des boulangeries face aux stations-service et supermarchés. „En vente, il y a eu un vrai changement. Les clients veulent des conseils. Ils demandent plus les ingrédients. Ce n’était jamais le cas il y a 20 ans.“

La quête de pain

L’autre paradoxe dans la tendance à vouloir gagner du temps dans sa quête de pain, est que la qualité de ce dernier dépend du temps qu’on lui laisse pour lever et qu’on lui consacre pour le travailler. „Plus on met de levure plus ça va vite mais moins on a de goût.“ Manuel Ramiro Dias Da Costa fait un pain à l’ancienne. Le pain en vente le lendemain est pétri la veille et part en chambre de fermentation pour 24 heures. Cela permet de réduire l’usage de levure à 3-4 grammes de levure par kilo de farine. La matière en est plus délicate et plus fragile, que dans un processus plus intensif. Et c’est encore le pétrissage, la cuisson et le travail de la pâte qui font le reste. „Mettez la même farine à deux boulangers, ils ne vont pas sortir la même chose.“

C’est une histoire d’amour qui a conduit ce boulanger à quitter ses fours de Reims pour exporter son savoir-faire à Gasperich, voilà bientôt six ans. Ses clients ont beau lui avoir souvent demandé d’ouvrir une autre boutique „Au pain de Mary“, plus proche de chez eux, Manuel décline. Il est l’homme d’un seul magasin. Sa culture, sa passion pour le pain et son exigence l’y poussent. „On passe beaucoup de temps ici. Donc on ne peut pas être ailleurs. En étant toujours présent, on surveille toujours un peu, au niveau des produits, de la vente. On a une boutique qui tourne bien. Il faut s’en occuper.“

A concentrer tout le monde en un seul lieu a aussi l’avantage de pouvoir répondre au client en recherche de contact et d’informations. „Le client peut parler avec le boulanger ou le pâtissier qui sont présents.“

La recette marche. Les fidèles sont bien plus précieux à s’y succéder dans la boulangerie que dans l’église située vis-à-vis. On y fait la queue sur le trottoir le samedi, jour où la boulangerie peut écouler jusqu’à 700 baguettes dans la journée. Et encore, la baguette n’est pas un indicateur aussi éloquent qu’il ne l’est en France. Il faut compter tous les pains tranchés, rustiques, à grosses croûtes, des habitudes locales que le gérant a appris à connaître et à satisfaire.

„Plus ça va vite, moins on a de goût“

La boulangerie „Au pain de Mary“ mise donc sur la qualité avec l’emploi d’une farine label rouge importée de la Lorraine voisine mais compte aussi sur la tenue d’un véritable lieu de sociabilité pour attirer les clients.

La boulangerie fait désormais vivre 18 personnes, dont trois boulangers qui entament leur service à minuit. „On ne devient pas millionnaires. On peut vivre correctement mais il faut travailler beaucoup“, explique la cogérante Maryline Roux, quand on lui demande si on peut bien vivre avec une boulangerie au Luxembourg. Le couple travaille 15 heures par jour, six jours sur sept. „Dans le temps, les anciens boulangers avaient la chance qu’on ne vendait pas du pain en grande surface ni en stations-essence“, complète-t-elle.

Si Manuel concède qu’il faut de la place pour tout le monde, il ne comprend pas qu’on puisse vendre du pain avec de l’essence, quand l’inverse en boulangerie semblerait bien plus incongru.

„Il faut être passionné pour le faire. Quand on voit tout autour, ça pourrait donner envie de lâcher“, ajoute Maryline.

C’est alors la vie sociale du quartier qui en pâtirait. A Moutfort, on s’est fait à l’absence d’une boulangerie. Après avoir vu les boulangers mettent la clé sous la porte les uns après les autres, le conseil échevinal de Moutfort fut bien heureux d’annoncer en avril à ses administrés l’arrivée d’un nouvel acteur sur le marché du pain: le distributeur automatique. Les baguettes, artisanales, sont préparées et précuites par la boulangerie „L’origine du goût“ à Strassen. Leur cuisson est achevée sur place pour garantir un pain artisanal frais. „Particulièrement, quand on rentre du travail le soir, ou qu’on a oublié d’inscrire le pain sur sa liste de courses, on est content d’avoir une alternative.“ Là où les boulangeries ne peuvent plus tenir, les machines peuvent être l’ultime solution pour conserver des miettes de la qualité de vie associée à la boulangerie.

Obèsix
12. September 2019 - 16.30

...et du pain qu'on peut encore manger demain sans qu'il soit dur comme pierre.

Roby
12. September 2019 - 15.43

Et ass wéi mat allem. Wann ee gären hätt et soch anstänneg gemach ginn, da möcht een et selwer. Brout baken ouni dass et mat karamelliséiertem Zocker brong gefierwt gëtt fir 'Vollkorn' virzetäuschen poder mat Lecithin an anere Mëttelen opgepäppelt gëtt, ass keng Konscht. Dat kann ee problemlos selwer maachen.